Sans exploration, on est tous morts !

L’étude fondatrice menée par l’association montre que les problèmes de l’entreprise ont une solution à portée de main de l’entrepreneur. Il faut qu’il sorte de son entreprise. D’où le nom de l’association : interpreneurs. Un interpreneur est un entrepreneur qui applique son talent d’entrepreneur à son « écosystème ». 

Mais comment passer le pas ? Et qu’est-ce qui empêche un entrepreneur de devenir interpreneur ? Une discussion avec Rodolphe Roy, président d’ATS (https://ats.tech) qui a réussi la transformation. 

Votre entreprise ? 

ATS est une PME de 200 personnes, spécialisée dans l’ingénierie industrielle, en conception et réalisation de moyens de production. Nous avons 4 sites : Le Creusot, Dijon, Nantes et Porto.

Nous sommes un fournisseur de rang 1 de grands donneurs d’ordres appartenant aux 18 filières de la classification française. Et nous appartenons à la dix-neuvième, qui vient d’apparaître : Offreur de solutions industrie du futur !

C’est la robotisation qui nous a fait grandir, aujourd’hui, c’est la transformation digitale. Notre vision ? Notre ambition ? Donner envie aux jeunes de revenir dans l’industrie. Le métier de l’ingénierie se transforme complètement. Ce n’est pas qu’une question de performance. Le digital élève l’homme, lui permet de s’épanouir. 

Voilà le message que j’ai décidé de faire passer. Et voilà pourquoi je suis ambassadeur de la French Fab de la BPI. (https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Les-entrepreneurs-en-video/Ats-50286)

Etait-ce votre vision initiale ?

J’ai racheté l’entreprise à mon père et à ma sœur. Au début nous tournions en rond. On ne voyait pas ce qui arrivait. Nous-nous disions « pour vivre heureux, vivons cachés ». « Nous avons de grands comptes, si on fait bien notre travail, on les conservera, et on gagnera notre vie. »

En 2017, la BPI m’a proposé de participer à son programme d’accélération de PME. La France a beaucoup moins d’ETI que l’Allemagne et cela explique en partie la faiblesse de son économie. La BPI cherche donc à accélérer le développement de PME. Pendant deux ans, je passais deux jours à Paris, chaque trimestre, avec 60 autres dirigeants d’entreprises. 

Ce programme a été une claque. J’ai compris l’intérêt de sortir de l’entreprise. J’ai compris le besoin de me former. J’ai compris que nous ne faisions que de l’exploitation et pas d’exploration, et que l’exploration était le rôle du président. 

Cette exploration m’a amené des clients, bien sûr, mais aussi des partenaires, du benchmark, de nouveaux business, et encore plus un réseau. D’ailleurs, une expérience m’a frappée. Durant la formation BPI, j’ai rencontré le dirigeant d’une entreprise de 300 personnes, qui produisait, entre autres, du jambon et du gâteau basques. Rien à voir avec ce que je fais ! Nous avons parlé de nos entreprises. Nous avons découvert que nous avions les mêmes problèmes, avec nos familles, avec nos DRH, etc. Quand vous êtes dirigeant, à qui pouvez-vous parler ? Même quand vous êtes au MEDEF, ça se résume à : « ça va ? ça va ! ». Pour la première fois nous avons pu échanger, et en toute bienveillance. 

C’est dans cette formation que j’ai trouvé l’inspiration. Que j’ai pu parler de ce que j’avais dans la tête. Le tester avec des confrères. Mettre au point ma stratégie. 

Quels sont les freins que vous avez dû surmonter ?

Le plus terrible, c’est la culpabilité de ne pas être dans l’entreprise. Ça a été violent ! Mes collaborateurs me disaient : « alors, M.Roy, vous n’êtes plus le patron de la boîte ? » Ils fantasmaient. Ils se demandaient si je les abandonnais. « Qu’est-ce qui lui prend ? » Et en plus, je me disais « peut-être que je vais perdre mon temps »… La difficulté, c’est que l’on est embrigadé, on est culpabilisé. 

Alors j’ai fait une vidéo de quinze minutes. J’ai expliqué qu’il fallait de l’exploitation et de l’exploration. Et que, sans exploration, on est tous morts. Et j’ai demandé aux cadres de sortir, de voir ce qui se passe ailleurs. S’ils ne le savent pas, l’entreprise est en danger. 

J’ai aussi compris que le chef d’entreprise n’est pas formé à diriger une entreprise. Mon père était un technicien, qui avait un talent commercial. Et moi aussi, je suis un technicien. On dirigeait l’entreprise à l’instinct. J’aurais pu aller beaucoup plus vite si j’avais fait un MBA il y a dix ans. 

J’étais incapable de répondre aux questions que l’on me posait durant la formation. Par exemple, la « raison d’être de l’entreprise ». Et on faisait du commerce, et pas du marketing. Quand j’ai demandé à mes commerciaux pourquoi l’on ne sortait pas de marchés qui disparaissaient, on m’a répondu « parce qu’on sait faire » ! 

J’ai eu une autre révélation : l’importance de bien s’entourer. Le chef d’entreprise veut être le meilleur partout. C’est idiot. Peut-être que certains y arrivent. Mais, le jour où ils ne sont plus là, la boîte meurt. Mon entreprise ira bien quand elle n’aura plus besoin de moi. C’est mon indicateur de succès ! 

Si l’on veut sortir la France du marasme, il faut que les entreprises travaillent ensemble. Les PME doivent s’organiser. Il faut tirer le dirigeant de sa solitude, beaucoup trop de dirigeants sont isolés. Je veux faire partager mon expérience de libération !

N’est-ce qu’une question de PME ?

Il faut aussi que les grands groupes apprennent à collaborer avec leurs fournisseurs. Il y a quelques années j’ai travaillé sur un projet d’usine française avec une multinationale. Elle m’a demandé de faire la même chose pour une nouvelle usine chinoise. J’ai pensé que c’était l’occasion de m’internationaliser. Mais, en Chine, j’ai découvert que mon client s’attendait à ce que je lui amène des sous-traitants locaux, qu’il n’en avait aucun ! Mais je ne suis qu’une PME, et je ne connais rien à la Chine. J’ai décidé d’abandonner. Bien m’en a pris : une autre entreprise a voulu persévérer, et ça lui a été fatal. 

Les Allemands, eux, jouent le jeu. Les grandes entreprises sont unies avec leurs PME et leurs ETI. En France, on est consultés par nos grandes entreprises comme la terre entière. Dans l’intérêt général, cela doit changer. 

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

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