iYU®, le bien-être 4.0

On en a rêvé, cela a paru impossible, et, au moment où on l’avait oublié, il se fait réalité : le robot devient masseur.  Avec iYU®, la « deeptech » entre dans notre vie. 

Un entretien avec François Eyssautier de Capsix. Suite de notre enquête en coopération avec le Collectif Startups Industrielles. 

Quelle est la genèse de Capsix ? 

Nous sommes trois cofondateurs. Stéphane est masseur-kinésithérapeute en cabinet depuis 20 ans, Carole est docteure en Informatique, avec une expérience de 15 ans dans la valorisation et le pilotage de projets R&D et pour ma part je suis ingénieur en robotique. J’ai travaillé pendant 18 ans dans la conception de machines spéciales, pour l’énergie, l’automobile et l’aéronautique.

Alors qu’on avait tous les trois pas loin de 40 ans, on faisait le même constat : on est nombreux à avoir régulièrement mal au dos, les cas de burnouts explosent, le mal-être chez nos contemporains est réel et le dos en est une caisse de résonnance. Carole, qui est aussi ma femme, était l’exemple typique en ayant des maux de dos liés aux positions statiques et à sa charge mentale. Dans cette période, en veille technologique permanente, j’ai vu apparaître les robots collaboratifs et j’avais l’intuition qu’ils allaient bientôt pouvoir sortir de l’usine pour entrer dans notre quotidien. Je me suis mis à imaginer un dispositif de détente personnalisé, avec un robot très interactif, un toucher agréable… quelque chose qui n’existait pas encore, de nouveaux usages… et qui semblait très prometteur !

C’est alors que nous avons créé la société, en juin 2015, et commencé à prospecter autour de nous. Passionnés, nous parlions de ce projet à tous les gens que l’on rencontrait. Ça m’est arrivé d’interviewer mes voisins de train ! « Que penseriez-vous de l’idée de vous faire masser par un robot ? ». 

Comment s’est développé Capsix ?

Les premiers temps, nous avons financé la société en reversant le montant des prestations que je réalisais en tant que Chef de Projet Industriel. Cela nous a ouvert la possibilité d’embaucher un premier employé, chercheur en robotique. Entreprendre en France nous a permis de bénéficier de différentes aides aux travaux de R&D, sans lesquelles l’histoire aurait été encore plus complexe. Nous avons ainsi obtenu le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) et nous avons pu bénéficier pleinement du Crédit Impôt Recherche (CIR), ce qui a été déterminant. En parallèle, nous avons formalisé une collaboration avec un laboratoire de recherche au travers d’une thèse CIFRE. Notre doctorant a été recruté seulement 4 mois après le début du projet à proprement parler ! La thèse a d’abord porté sur les bénéfices de l’auto massage, avant de comparer le massage classique avec le massage robotisé. Au cours de cette thèse, nous avons réalisé 5 publications dans des revues internationales : une validation scientifique objective de nos travaux. Nous avons également déposé deux brevets.

Nous avons ensuite fait une première levée de fonds en « love money », par e-mail. Nous nous engagions à ce que, un an plus tard, notre prototype d’iYU® soit passé d’un massage sur mannequin mousse à un massage sur personne. Nous nous sommes heurtés à des choix techniques difficiles, et à la nécessité de renforcer l’équipe pour atteindre nos objectifs.

Lorsque nous avons réussi le challenge, nous étions à court de trésorerie. Creux de vague ! On visait le marché des kinésithérapeutes, mais leur marque d’intérêt n’allait pas jusqu’à l’achat. D’un autre côté, le marché du bien-être au travail semblait répondre favorablement. Nous avons alors développé un partenariat avec Bouygues Telecom pour un test dans leurs locaux : sur 50 personnes qui ont essayé notre prototype, 49 ont aimé la séance ! Ce qui nous a surpris, c’est que nous avons eu une population très variée : de toutes morphologies, de tous âges et de toutes catégories socio-professionnelles. Il y a eu beaucoup d’émotions exprimées. Certains nous ont dit que c’était la première fois qu’ils se faisaient masser. Pour un grand sportif qui sortait de trois heures d’entraînement intensif, ç’avait été une révélation : il se sentait comme s’il sortait de son lit… Et cela après seulement 12 minutes de massage robotisé !

On a alors décroché une aide PIA3 de la Région, assortie à un prêt bancaire du Crédit Mutuel. On a annoncé cela à nos investisseurs, et avons fait une nouvelle levée de fonds, toujours par e-mail, auprès de 40 contacts de profil plutôt Business Angels. Les souscripteurs ont principalement été conquis par la vision de rupture et le potentiel du projet. Dans le même temps, on a eu la chance de débuter un partenariat fort avec Apicil, la 3ème mutuelle Française, qui nous a sélectionnés pour intégrer son accélérateur « Prévention santé au travail » à compter de septembre 2019. 

En 2019, ces nouveaux moyens nous donnaient une visibilité de 18 mois. Mais nos locaux ont été ravagés par un incendie en octobre de cette année-là. Seul notre prototype d’iYU® s’en est tiré. On a dû abandonner certains projets de recherche et se concentrer sur l’essentiel. A cette époque-là, on vendait des prestations, en installant iYU® dans des salles en entreprise, ce qui nous permettait de tester le concept, de remonter des données d’expérience terrain et d’améliorer en permanence nos développements. Il n’était pas encore temps de vendre le système puisqu’il n’était pas encore autonome. 

En 2020, on a enchaîné avec l’épidémie de Covid. Tous nos clients, responsables RSE dans les entreprises, étaient sous l’eau. Le PGE nous a permis de poursuivre nos développements en mode sous-marin. Toute l’équipe a fortement amélioré les fonctionnalités, l’expérience utilisateur. Ce délai a aussi permis à Stéphane de créer des massages d’une qualité exceptionnelle. On a alors pu organiser sur 2021 des tests pilotes de 2 mois chacun sur 3 sites d’entreprises, avec un fort apprentissage pour nous, et des résultats d’adhésion incroyable de l’ensemble des structures.

On est arrivé à fin 2021 à un prototype capable de reconnaître de manière très précise la morphologie, sans aucune intervention humaine, pour une séance en totale autonomie. C’est une première mondiale !

Nous venons de clôturer une nouvelle levée de fonds, pour moitié en equity (fonds d’investissement, Business Angels et investisseurs historiques) et moitié de fonds Deep Tech de BPI France. Ces nouveaux moyens nous permettent de finaliser l’industrialisation de notre solution et de lancer la commercialisation. Nous sommes une équipe de 14 passionnés, nous partageons un open-space, un showroom et un atelier pour assembler nos systèmes. Nous sommes en phase de préparation de notre plan de production. 

Nous avons plusieurs marchés. Les spas et les centres de remise en forme nous sollicitent beaucoup. Les spas ont énormément de mal à recruter des masseurs, et ça s’est accentué avec l’épidémie de Covid. Ils voient aussi l’occasion de diversifier leur offre ! Nous avons toujours eu de nombreuses demandes spontanées de l’étranger, le potentiel est important pour les années à venir.

Nous avons également le marché du bien-être au travail, qui a été le premier marché à tester nos POC. Nos iYU® sont utilisés par des sociétés industrielles à destination du personnel de production et de bureau, ainsi que par des établissements de soin, pour la détente de leur personnel, à commencer par les infirmiers et les aides-soignants ! Les tests donnent des résultats exceptionnels, pour autant la décision de prendre un système à long terme est un engagement fort qui demande du temps, surtout dans les grandes structures.

Quels sont les problèmes que vous avez à résoudre ? 

Parmi les difficultés rencontrées, le financement non dilutif. Il nous a fallu beaucoup de temps pour faire comprendre le potentiel de notre technologie et son impact sur le futur, mais surtout rassurer sur notre maîtrise des risques. Il nous a fallu démontrer, pas à pas, que ce projet faisait sens.

Et ce malgré de nombreux préjugés. Notre première application, le massage, ne renvoie pas une image sérieuse, et le lien avec la robotique peut être difficile à comprendre au premier abord. Nous sommes en rupture technologique, mais également en rupture d’usage (qui s’est déjà fait masser par un robot ?). Nous avons donc concentré nos efforts sur ces aspects. Du coup, nous étions au début une équipe de scientifiques, sans profil business très fort, ce qui peut inquiéter un financeur. Il nous fallait donc rassurer sur l’existence d’un marché sérieux, et sur la capacité de l’équipe à porter le projet jusqu’à sa commercialisation.

Pour nous, ça a été un challenge énorme à relever. Trois années de R&D pure avant de pouvoir seulement tester notre solution en situation réelle et trois années supplémentaires avant de pouvoir réellement parler de commercialisation, c’est long ! Même pour un partenaire bancaire dédié à l’innovation et habitué à la prise de risque comme la BPI, le challenge a été important à relever, et cela n’a pas toujours été simple, d’autant que nous rentrons avec difficulté dans les cases existantes. La labellisation Deep Tech obtenue au printemps 2021 est une belle réalisation commune avec notre chargée d’affaires, et nous sommes très heureux de ce soutien important de BPI France.

Les choses évoluent positivement. Il y a quelques années, on disait qu’en France, il y avait une peur du risque et une peur de l’échec qui était un frein majeur. On voit maintenant que l’on regarde davantage les opportunités, le potentiel. Mais bien sûr il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et pour cela, on a besoin d’avoir de belles success stories ! Il faut garder le cap sur ce que l’on veut atteindre, pas sur tous les écueils inévitablement présents sur le chemin !

L’autre difficulté majeure, inhérente à notre nature de startup industrielle, c’est la nécessité de mobiliser des expertises très variées (électronique, développement informatique, robotique, mécanique, cyber sécurité, kinésithérapie, mais aussi recherche scientifique, marketing, finances…) dans une équipe aux moyens limités. Cela nécessite de recruter des compétences très diverses, et de faire converger toutes ces disciplines vers le même objectif. 

Si on résume, on s’est lancé sur un marché non démontré au démarrage, avec un usage de rupture, des enjeux technologiques élevés donc risqués, et nécessitant un investissement important… Entreprendre, c’est savoir écouter son intuition, tout en manageant le risque ! 

Ce qui au départ était une difficulté est aujourd’hui devenu notre force, c’est indéniable !

Et l’avenir ?

Nous serons le leader mondial du soin robotisé ! 

Il y a une forte « traction » internationale. Notre premier objectif est la distribution mondiale d’iYU®, notre dispositif de détente. 

Ensuite, nous pourrons nous ouvrir à d’autres marchés. Notre technologie a un gros potentiel : on peut lui associer autre chose qu’une main de massage. Elle peut avoir d’autres applications bien-être ou médicales, en s’adaptant au corps, et en repérant telle ou telle partie de l’anatomie. Tout un champ des possibles !

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

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