Spirits Valley, Silicon Valley du spiritueux

En collaboration avec France Clusters, l’association des interpreneurs fait un « tour de France » des Clusters. Il débouchera sur un rapport remis à la puissance publique.

Nous-nous entretenons avec Julien Courtey-Février, directeur du cluster de la Spirits Valley, à Cognac. (https://spiritsvalley.com)

Pourriez-vous nous présenter votre cluster ?

C’est la Silicon Valley des spiritueux ! Un écosystème d’entreprises unique au monde. Sur un pour cent du territoire français, nous produisons 50% des spiritueux haut de gamme mondiaux ! Avec 4md€, nous sommes le premier poste excédentaire du premier poste excédentaire français !

Nous représentons l’image de la France : des produits à très haute valeur ajoutée. Pas uniquement le cognac, mais aussi deux marques de vodka, soit 80 millions de bouteilles par an, du gin, du whisky, du rhum…

Nous avons été créés en 2018, le cluster représente 120 entreprises, 3000 emplois, et deux milliards d’euros de chiffre d’affaires. 

Toute la chaîne de la valeur est présente, du distillateur à la commercialisation, mais aussi la fabrication de bouchons, de tonneaux (50% de la production française, elle même 50% de la production mondiale), de bouteilles, des imprimeurs… Soit 14 ou 15 spécialités. Nos adhérents sont à 90% des TPE et PME, et tous les grands groupes du secteur. 

Nous avons 4 missions :

  • Le relationnel, le réseau BtoB. Les entreprises ne se connaissent pas, ne se parlent pas. On sent une appréhension, le culte du secret. C’est ce que nous voulons casser. Nous voulons créer une communauté, que les entreprises se serrent les coudes. Ce sentiment d’appartenance s’est grandement renforcé l’an dernier…
  • La formation. La Silicon Valley a Stanford, nous avons besoin d’un équivalent. Nous devons pérenniser nos talents. Nous avons fait la liste des formations françaises (une cinquantaine) et nous comblons les trous. 
  • Attractivité. Nous avons un déficit de notoriété. Curieusement peu de gens savent, même, que Cognac est une ville ! Le territoire est sous tension, nous ne parvenons pas à recruter. A cela s’ajoute une grosse armée d’intérimaires, qui ne veulent pas être embauchés. Nous communiquons auprès des collégiens et des lycées, des grandes écoles et des personnels en reconversion (par le biais des organismes de formation). Nous travaillons aussi à l’interconnexion entre bassins d’emploi. Et nous développons l’oenotourisme, un enjeu d’image !
  • La logistique. C’est à la fois la fluidité du déplacement des personnes, notamment pour résoudre la question de la mobilité très faible du non cadre, qui veut un emploi à moins de 45 minutes de son habitation. Mais aussi le déplacement de marchandises (300m de bouteilles, par exemple). 

Quelles ont été les principales étapes du développement du cluster ?

Nous avons rencontré notre public ! Lancé en 2018, en 18 mois on avait 100 adhérents ! Il y avait une attente. Il y avait bien des corporations, mais pas d’organisme souple qui représente toute la filière. D’ailleurs le taux de fidélité est très élevé. 

En 3 ans et demi, il y a de plus en plus de fédération. C’est un trend croissant. Nous organisons plus de cinquante événements par an, sur des sujets multiples. Il y a aussi une grosse implication des organismes de formation. Nous avons un soutien de tous les élus, quel que soit leur parti, avec un bon équilibre entre public et privé. 

Nos sujets du moment sont :

  • le fret ferroviaire, et comment éviter qu’il ne revienne à vide ; 
  • la formation 
  • l’attractivité, avec une plate-forme d’e-commerce et une plate-forme emplois, avec CVtèque.
  • l’innovation (qualité, traçabilité, lean et RSE) en particulier à destination des PME et des ETI, qui sont peu familières de ces questions. 
  • Le modèle de financement du cluster. Les fonds publics tendant à se raréfier, la cotisation, ce n’est pas suffisant. L’association n’est pas un bon véhicule pour recevoir des financements. Notamment, pour des raisons de fiscalité. Nous étudions, par exemple, la possibilité de créer des fondations. Par ailleurs, beaucoup de clusters ont des incubateurs…

Que recherchent vos adhérents ? 

J’explique aux adhérents qu’un cluster c’est comme une salle de sport : payer sa cotisation à la salle de sport, ce n’est pas suffisant, il faut y venir ! 

On leur apporte une appartenance. On a même un Membership, avec des avantages pour les adhérents. On leur donne une visibilité sur ce qui se passe dans leur écosystème (notamment par une newsletter). On donne, aussi, une visibilité à leur savoir-faire, en le faisant rayonner, par exemple par des participations mutualisées à des salons.  

On fait beaucoup de points techniques. Par exemple, un cabinet d’avocats organise actuellement des tables rondes sur le droit environnemental, la gestion de l’eau, les installations classées. Nous faisons aussi beaucoup de choses concernant les aides publiques. Dans ce domaine, nous avons un rôle de clarification. Mais nous nous demandons si nous ne devrions pas faire, comme certains de nos membres, appel à des cabinets privés. A moins, au contraire, d’améliorer nos compétences, ce qui pourrait nous apporter une source complémentaire de financement. 

En quoi êtes vous affectés par l’épidémie de coronavirus ?

On a gagné 15% d’adhérents en plus ! Et on a gagné en visibilité dans les réseaux sociaux.

Cela a été un catalyseur de résilience, et de solidarité. Nos adhérents ont fait un gros effort industriel. Nous avons produit 1000 hectolitres d’alcool pur, destinés à la fabrication de gel hydro alcoolique. 

Nous avons pris conscience de notre interdépendance mondiale. D’autant que nous avons subi les taxes Trump. Aujourd’hui, la consommation repart aux USA, elle a augmenté de 25% en trois mois, et en Chine, qui s’était arrêtée, la reprise est rapide. 2020 sera à l’équilibre. 

On a participé au maintien de l’emploi. On n’a pas pu empêcher des PSE, mais on a participé efficacement au reclassement des personnels. Par exemple, les élus ont demandé à une entreprise étrangère qui licenciait d’adhérer au cluster, de façon à ce que nous l’aidions à trouver des voies de sortie pour ses employés. Par ailleurs, nous avons relayé activement les mesures gouvernementales, telles que PGE et chômage partiel. 

Il reste le problème de la sortie de crise, pour les petites entreprises, pour qui, contrairement aux grandes, il est très difficile d’exporter, faute de salons. 

France Clusters veut publier un « livre blanc de la contribution des clusters pour la relance économique 2022 » : quelles sont vos suggestions ?

Nous avons des rôles essentiels :

  • Maintien de l’emploi. 
  • Contribution aux enjeux de demain : RSE, lean, fiscalité, fret ferroviaire…
  • Les clusters doivent être reconnus, comme aiguillons, catalyseurs, en ce qui concerne, notamment les enjeux économiques, environnementaux et d’emploi
  • La clé de la performance internationale est la coopération entre entreprises, ce qui est la mission des clusters. En outre, ils doivent favoriser le « ruissellement » : les multinationales n’investissent pas sur le territoire. 

Comment voyez-vous votre cluster en 2030 ? 

L’emploi et la formation sont la base. Pour le reste, il y a plusieurs scénarios possibles. 

Croissance endogène, exogène ? Allons nous faire comme la cosmétique ou l’aerospace, un pole des spiritueux national ? Allons nous fusionner avec d’autres clusters ? Allons nous rester un cluster ou devenir un think tank inter professions ? Par exemple, en apportant le savoir faire réglementaire (qualité, contrefaçon…) de Cognac à d’autres spiritueux. 

Qu’est-ce qui fait réussir un cluster ? 

Il faut un écosystème. Il faut qu’il y ait déjà quelque-chose de présent, ou de bons ingrédients. Il faut, ensuite, une volonté. Il faut, surtout, dépasser la peur viscérale de l’autre, du « concurrent ». Comprendre que l’on peut être concurrent et partenaire. Que l’on a plus à gagner ainsi. Finalement, il faut un objectif. 

France Clusters veut faire des propositions au gouvernement « d’une voie nouvelle à engager à l’appui des clusters d’entreprises » : quelles sont vos suggestions ?

La mission des clusters doit être reconnue, et rémunérée. Les 80.000 entreprises en cluster représentent 1,5m d’emplois et contribuent fortement à la création de nouveaux emplois. Pourquoi ne pas accorder aux 2 ou 300 clusters 50m€ pour favoriser l’emploi ? 

Le cluster est le relai naturel, au niveau du territoire, des politiques de l’Etat et de la région. C’est un catalyseur d’aides publiques. Il permet un accompagnement fin de l’entreprise, par exemple de la PME et la TPE, pour appliquer une politique environnementale, ou de compétitivité. 

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

2 commentaires sur « Spirits Valley, Silicon Valley du spiritueux »

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