Professeur Jean-Pierre Schmitt : l’entreprise a des ressources insoupçonnées

Le coronavirus n’a pas que du mauvais. En retardant la sortie du dernier livre du professeur Jean-Pierre Schmitt, il nous a permis d’avoir une interview en avant-première !

Jean-Pierre Schmitt est un de nos grands noms de la science des organisations. Il est professeur honoraire d’organisation du Conservatoire National des Arts et Métiers, et directeur honoraire de l’IESTO (CNAM Institut Etudes Eco Sociales Techniques Organisation). Il a enseigné à HEC, l’ESSEC, l’ESCP et l’INSEAD. Il a aussi été entrepreneur et compte parmi ses clients quelques-unes des plus belles pépites industrielles mondiales. 

L’entreprise est bousculée par le coronavirus. Pouvez-vous aider le dirigeant ? Votre livre est-il de circonstances ?

Oui. Mais par hasard !

Il y a un équilibre optimal entre l’organisation et la technologie. La France est un peuple d’intellectuels, contrairement aux Allemands, qui sont pragmatiques. L’entreprise a un biais technologique. Cela signifie que l’entreprise française a un potentiel inexploité !

Dans mon livre, j’explique, en partie à partir d’exemples, comment rechercher ce réservoir de potentiel. 

Pourriez-vous nous donner un exemple de ce que l’on peut en attendre ?

J’ai beaucoup travaillé avec les hôpitaux. Il faut savoir qu’un hôpital est un système extraordinairement complexe. Bien plus complexe qu’une entreprise. Bien peu de dirigeants d’entreprises pourraient se mesurer à un bon directeur d’hôpital. 

Ce qui s’y passe actuellement, en ces temps d’épidémie, est fabuleux. L’hôpital s’est débarrassé des gestionnaires et fait des miracles. Bien sûr, lorsque l’épidémie sera passée, il faudra revenir à plus d’équilibre entre médecine et gestion. Mais on a enfin compris qu’un excès de gestion est fatal à toute performance. 

Que trouve-t-on dans votre livre ?

Avec un bon équilibre organisation / technique, l’entreprise est sûre de gagner en qualité, en délais, en coûts d’investissement, en coût de fonctionnement, et surtout en engagement des « troupes » ! Une équipe qui participe mieux, ça change tout !

Mon objectif est d’aider le dirigeant à réfléchir. Et pour cela il faut commencer par supprimer les idées fausses qui empêchent de bien penser. Par exemple, beaucoup de gens croient qu’une machine doit tourner tout le temps. C’est stupide : on fabrique des choses dont on n’a pas besoin ! La quantité économique de commande a le même résultat.

Une autre erreur est le taylorisme, en particulier par le développement des fonctions supports, méthode, ordonnancement… qui mangent la laine des actions intelligentes sur le dos des producteurs. Il faut faire le contraire, en redonnant à ces derniers des responsabilités de réflexion et d’amélioration, en leur donnant un travail intelligent. Ce sont les mieux placés, étant sur le terrain.

L’idée du livre est de réexaminer les décisions d’investissement. Le dirigeant a souvent tendance, sous l’influence des fournisseurs, à choisir la plus belle technique, la plus belle machine, le plus beau logiciel, alors qu’il faut partir de l’organisation, et choisir ce qui va être le mieux adapté à l’équipe. Il faut donner à celle-ci la possibilité d’être intelligente ! Il faut que la machine ou l’intelligence artificielle ne fasse pas tout. La technologie ne doit pas casser le côté intellectuel humain. 

Attention, c’est important, je dis équipe, pas individu. L’individu est puissant quand il fait partie d’une équipe. Le dirigeant doit s’appuyer sur les équipes. 

Ce n’est pas l’individu qui doit être autonome, c’est l’équipe. C’est un défaut de l’entreprise libérée.

Si un dirigeant n’a pas fait les bons investissements que doit-il faire ?

Je ne vais pas lui demander de jeter ses machines !

Il doit commencer par chercher à favoriser l’autonomie. Il doit diminuer les fonctions supports. Il faut démonter tout ce que Taylor a mis autour de l’homme producteur. Il faut donner de la responsabilité à « ceux qui font ». Il faut donner à l’équipe plus de contacts avec le client, ou avec les fournisseurs. L’équipe doit coopérer avec la machine. Le producteur voit toutes les sources d’amélioration. C’est au producteur de concevoir les méthodes. C’est à lui de trouver la meilleure utilisation des machines. C’est à lui de faire profiter le nouvel achat de son expérience. 

Avec moins de support, et des machines qui ne cherchent pas à supprimer l’homme, on risque même de faire des économies !

La hiérarchie doit aussi changer de rôle. Elle aussi « bouffe » de l’intelligence en donnant des ordres.  Du coup les gens attendent les ordres ! Il faut faire évoluer la façon dont la hiérarchie commande. Il faut passer du commandement à l’aide. Il faut donner le moins d’ordres possible. Ce n’est pas le plus facile !

Par où commencer ?

Le dirigeant doit considérer que toute personne est quelqu’un de bien. Sinon pas besoin de commencer. Ensuite, il faut que le dirigeant ait une vision pour l’entreprise. Il peut aussi mettre l’accent sur un changement stratégique, aborder un nouveau marché par exemple. Il faut une étoile qui guide l’entreprise. Sinon, ça risque de manquer de cohérence. 

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

5 commentaires sur « Professeur Jean-Pierre Schmitt : l’entreprise a des ressources insoupçonnées »

  1. Jean-Pierre SCHMITT, un de mes anciens professeurs au CNAM. « Il faut une étoile qui guide l’Entreprise » et bien Jean-Pierre SCHMITT a été une des étoiles que j’ai suivies pour ma promotion sociale, et cela a vraiment fonctionné !

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