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L’entrepreneur industriel doit mener une réflexion sur l’organisation de ses innovations !

L’innovation n’est pas toujours une bénédiction… En particulier lorsque l’on n’est pas une start-up industrielle. Un entretien avec Karine Demauras, de Managers en mission. Un nouvel épisode de la série “votre pire expérience ?« 

Qui êtes-vous ? 

J’interviens sur les sujets d’innovation depuis une vingtaine d’années. Selon les contextes, je suis principalement experte indépendante et chercheure, ou, salariée en tant que manager de transition spécialisée sur les opérations de Recherche et Développement. 

Mon rôle est très opérationnel. J’apporte aux entreprises qui veulent innover, conseils et méthodes, très en amont, puis, j’organise l’entreprise pour qu’elle mène à bien son portefeuille de projets. Si je façonne l’effet levier des fonds publics pour le  dirigeant, c’est parce qu’il a su être sensible aux méthodes de gestion de projet, facilitant le suivi et le reporting des différents financements nécessaires, à l’entrée sur un nouveau marché. Le cas échéant, je m’entoure de compétences complémentaires avec des spécialistes de la data, et même un directeur commercial par intérim pour diriger la stratégie et la campagne commerciale. 

L’entreprise française est-elle innovante ?

La perception du risque empêche beaucoup d’innovations. Il y a une vraie richesse qui ne demande qu’à être exploitée. Il y a tellement de sujets que le dirigeant a en tête, qu’il ne met pas en œuvre, mais aussi beaucoup de projets dont on n’entend plus parler, parce que l’on croit qu’ils ont échoué. Or, souvent, “l’échec” tenait à peu de choses.

C’est aussi là que se trouve l’ADN de l’entreprise et son savoir-faire. Ne faut-il pas échouer pour apprendre ?

La vraie force du manager de transition, c’est de “dé risquer” les processus d’innovation. Contrairement à l’entreprise, je suis habituée à l’incertitude. Et je “crée une zone de confort” pour toutes les parties prenantes !

Et votre pire expérience ?

Plutôt un point d’alerte que je voudrais lancer… 

En 2009, un plasturgiste (2,5 M€ de CA) fait appel à l’aide publique et au Crédit d’Impôt Recherche, pour recruter et développer ses propres produits. Son comptable lui suggère d’activer ses frais de Recherche et Développement. 

Faute d’avoir anticipé l’impact opérationnel de cette faculté comptable, ce genre de décision peut mettre une entreprise dans un cercle vicieux redoutable, surtout pour une entreprise industrielle. 

Considérées, à tort, comme des traitements comptables annuels, lors du bilan, les entreprises innovantes peuvent différer leurs charges d’investissement jusqu’au lancement de leur produit fini. Elles reviennent ensuite sous la forme d’un amortissement. 

Si cette mécanique paraît balisée avec l’obligation de respecter 7 critères tels que la faisabilité technique, la capacité à utiliser ou vendre le produit, et à générer des avantages économiques futurs, ainsi que la disponibilité des ressources financières et techniques… l’entreprise doit s’organiser pour démontrer qu’elle remplit, tous les ans, ces critères « de bonne gestion ». Ce qui est très chronophage.

Or, la PME en question n’a pas pensé à augmenter sa marge lors de ses devis pour couvrir la dotation aux amortissements future. C’est récurrent chez les dirigeants qui utilisent cette méthode, ils oublient la valeur de cet actif même pour calculer leur retour sur investissement. 

Cela pose moins de problèmes à une start-up, parce qu’elle peut vendre plus cher des produits qui n’existent pas et croître fortement, mais peut être fatal à une PME industrielle de 50 salariés, d’autant que ses marges sont infimes. 

Pire. Si elle a immobilisé ses coûts pour répondre à un donneur d’ordre, et que celui-ci part, prématurément, avec ses moules, c’est l’effet ciseau ! L’entreprise n’a plus le chiffre d’affaires, elle a jusqu’à la clôture de son bilan pour trouver un autre client sinon, ce sont toutes ses charges immobilisées qui sont dépréciées immédiatement. Donc, non seulement, il n’y a plus de chiffre d’affaires,  mais aussi un gros amortissement, sans parler de l’emprunt moyen terme à continuer de payer…

Si le comptable n’explique pas correctement cette question au dirigeant, une PME peut partir en faillite pour seulement 100.000€ d’actifs de R&D !

Que faire ? 

On a un peu trop tendance à oublier que l’argent public n’est pas gratuit, le bénéfice des soutiens à l’innovation a une contrepartie organisationnelle importante pour gérer les projets financés.

Ce n’est pas en fin d’exercice qu’il faut rétropédaler pour justifier de ses dépenses. Mais bien une gestion quotidienne, avec des outils de suivi : temps passé par les acteurs de terrain, matière utilisée… y compris la qualité, jusqu’à la sortie du produit du quai de l’usine. 

C’est un vrai challenge pour le manager de transition parce que les équipes considèrent ces tâches comme du flicage. En revanche, en termes de management, faire apparaître les travaux des équipes, c’est valoriser les savoir-faire techniques de l’entreprise, son capital humain, l’efficience de ses solutions…  Et expliquer que la raison d’être de ce suivi, « c’est de créer des connaissances” ! C’est aussi une source d’engagement : certains peuvent rester au-delà de leurs heures de travail quand ils cherchent une solution !

Problème supplémentaire : une entreprise de 50 salariés n’a pas d’ERP, elle utilise encore beaucoup Excel, difficile d’anticiper et de voir les choses en temps réel. 

Il faut savoir que quel que soit le soutien public obtenu, il est classique de considérer que tous les 500.000 €, il faut une personne à temps plein pour qu’il soit correctement géré. Dans ce cas, je suis donc amenée à exercer les fonctions de DAF dédiée aux opérations de R&D.

Quels enseignements tirez-vous de votre expérience ?

Le contexte industriel est vraiment spécifique, il a fait apparaître un mécanisme pervers, difficile à identifier dans une start-up, même industrielle. 

Ensuite, la recherche de fonds publics est souvent une question d’opportunisme, de la part de l’entreprise. C’est dommage que l’État français, sous prétexte de lancer des projets innovants, ne se soucie pas a posteriori du retour sur investissement. S’il y a échec, il n’y a pas d’obligation de reversement. L’entrepreneur n’est pas “engagé sur le résultat”. Au Canada, on a deux ans pour vendre les produits qui ont été financés par une aide. Pas de ventes, pas de fonds publics ! 

Et l’on se prive des enseignements que l’on tirerait d’une analyse des succès et échecs de ces programmes. Pourquoi la BPI, et même, la Commission Européenne ne feraient-elles pas des “retours d’expérience” concernant leurs projets en échec ? Je rêverais d’une telle cellule d’analyse et d’accompagnement de l’échec !

Au lieu de chercher à faire passer des “vessies pour des lanternes”, pour avoir des fonds publics, l’entreprise doit mener une réflexion sur l’impact de l’innovation sur son organisation, et en tirer le projet innovant qu’elle est la seule à pouvoir mener. Puis, mettre en place l’organisation nécessaire à son succès, pour valoriser ses savoir-faire, gage de son avantage compétitif et de l’atteinte de ses objectifs. Un projet correctement conçu n’a aucune difficulté à trouver du financement, et l’entreprise maîtrise ses risques en s’y engageant. 

Comment trouvez-vous des clients ? 

Le bouche à oreille et les réseaux. Les gens qui viennent vers moi partagent mon état d’esprit : ils ont besoin qu’un projet soit cadré, et ils ne savent pas comment s’y prendre dans ces écosystèmes trop complexes. 

Contrairement à la plupart des managers par intérim, il y a toujours une montée en charge plus ou moins longue, je travaille souvent pour deux entreprises en même temps. Le fait que je ne sois pas là en permanence force le client à se prendre en main, à se poser des questions et à apprendre. C’est comme cela que je transfère mon savoir-faire… Et que j’ai beaucoup de plaisir à les voir transformer l’essai !

Les managers de transition travaillent beaucoup en pool de compétences, afin de couvrir toutes la chaîne de valeur, je m’entoure d’experts ultra spécialisés afin de répondre aux problématiques complexes des entreprises. Ce fonctionnement en réseau permet à l’entreprise d’optimiser ses coûts puisqu’elle a à sa disposition, et selon ses besoins, des managers qui savent s’organiser pour proposer des solutions personnalisées à temps partagés. 

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Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

2 commentaires sur « L’entrepreneur industriel doit mener une réflexion sur l’organisation de ses innovations ! »

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