La Tannerie Végétale ou comment reproduire les propriétés du cuir avec du végétal ?

Et si on arrêtait de tuer des animaux pour leur peau, en utilisant ce que la nature nous offre ? Voilà l’idée qui est à l’origine de la Tannerie végétale. (https://www.la-tannerie-vegetale.fr/)

Un entretien avec sa fondatrice, Fanny Deléage. Un nouvel épisode de notre série “portrait de start-up industrielles”, en collaboration avec le Collectif Startups Industrielles France. 

Comment vous est venue l’idée de la Tannerie Végétale ?

Je suis docteur en chimie et sciences des matériaux. J’ai commencé par la recherche et le développement, avec pour constante la transformation de matières végétales. L’idée était toujours de tirer le meilleur du végétal, de maîtriser sa transformation pour obtenir des propriétés finales optimisées. Ainsi, j’ai travaillé sur des bioplastiques à base de maïs et des alternatives végétales à la viande. C’est à ce moment-là, en 2016, que je m’aperçois de la correspondance entre la viande et le cuir animal. Les deux comportent des protéines. La seule différence entre les deux : la présence de tanins dans le cuir, pour faire de la peau un « matériau imputrescible ». Avec la même démarche de développement des viandes végétales, j’ai donc pensé à associer protéines végétales et tanins. Néanmoins je ne me sentais la légitimité d’en faire un business.

Puis j’ai été embauchée par un grand groupe de la chimie du végétale. Mes missions n’étaient pas du tout alignées avec mes valeurs environnementalistes et humanistes… Avec ma vieille idée en tête, j’ai fait un bilan de compétences, ce qui m’a donné la confiance et le courage d’entreprendre. “Si je ne le fais pas, personne ne le fera”.

L’ampleur du projet m’a vite submergée. Alors j’ai cherché à me faire accompagner personnellement et à créer l’écosystème de mon entreprise. J’ai passé trois ans dans des incubateurs, dont le centre de l’entrepreneuriat Lyon Saint-Etienne. Ils m’ont accompagnée tandis que l’équipe grandissait et que nos partenaires étaient de plus en plus nombreux.

La Tannerie Végétale, c’est ? 

Une équipe de 7 personnes audacieuses, bien décidées à renaturer le monde de la mode et du design en général. Comment ? En développant, fabriquant et vendant des biomatériaux, dont PHyli, la seule matière souple biosourcée sans plastique industrialisable. Une alternative au cuir bas carbone, et même très bas carbone, puisque nos clients économisent plus de 95% de kg équivalent CO2. Tout cela grâce à un procédé propre sans eau ni solvant, en une seule étape, et permettant le recyclage. Parmi ceux qui se sont attaqués à cette question, on est les ultras !

Où en êtes-vous ? 

En phase de pré industrialisation. Ayant des moyens financiers limités, nous avons choisi d’investir dans une petite ligne pilote, nous permettant de produire des bandes de 15cm de large uniquement. Cela parait petit, mais nos prospects sur les marchés des bracelets de montres ou accessoires de mode (ceintures, petite maroquinerie…) sont tout à fait satisfaits par cette première étape ! Ils devraient donc être les premiers acteurs du secteur mode/luxe à commercialiser des produits entièrement ou partiellement conçus dans notre PHYli.

Où avez-vous trouvé du financement ? 

Nous avons été particulièrement aidés par la Banque Publique d’Investissement (BPI). Outre nos fonds propres, nous avons été repérés comme étant “deeptech” et avons pu profiter de la bourse French tech Emergence. 

Comme nous travaillons avec un laboratoire universitaire, nous avons obtenu un financement d’une société d’accélération du transfert de technologies (SATT), une entité mi-publique mi-privée qui a pour but de valoriser les inventions de la recherche publique via la création de startups ou le licensing à des entreprises existantes. Cela concerne des projets de TRL très bas. 

Grâce à ces financements, on a pu embaucher nos premiers développeurs. 

Fin 2019, on avait notre preuve de concept et un an après nous déposions notre brevet européen. L’amélioration du produit s’est poursuivie, et, fin 2021, on en déposait une extension PCT. Cette période de 2 ans a surtout été propice au développement de notre savoir-faire scientifique. 

Nous avons également fait des études de marché, en s’assurant qu’il avait vraiment besoin de notre produit ! 

Fin 2021, nous avons été lauréat du concours iLAB, avec une subvention de 250.000€. Néanmoins les subventions ne viennent qu’en remboursement de frais, nous avons donc dû lever de la dette, auprès du Réseau Entreprendre Rhône, qui nous accompagne aussi sur le plan entrepreneurial, et des banques : le CIC, la BNP et la BPI.

En 2022, nous avons fait une levée de fonds de 500.000€ auprès d’investisseurs: longue aventure ! Malgré toutes les aides et subventions reçues depuis nos débuts (près d’un million d’euros) les fonds d’investissement se sont montrés très frileux à l’idée d’investir si tôt dans une start-up à vocation industrielle et sans chiffre d’affaires. Nous avons fini par trouver plusieurs business angels, tous passés par l’industrie, qui sont habitués au “temps long” et qui partagent nos valeurs.

Et aujourd’hui ?

Le focus est mis sur la fabrication et la commercialisation. Après la phase de mise en route, une phase d’allers-retours avec nos futurs clients est nécessaire.

Cette année, nous mettons en place un système de production unique au monde, avec son système qualité, afin d’être à la hauteur des exigences du secteur du luxe. 

Et l’avenir ? 

D’ici 2 ans, nous aurons une ligne capable de produire des rouleaux de 60cm de large et d’ouvrir ainsi les ventes à des marchés plus gros tels que la maroquinerie / bagagerie, le design d’intérieur… Quelques années plus tard nous aimerions nous équiper d’une ligne industrielle en laize 150cm pour répondre à tous les marchés, ameublement, automobile…

Quels ont été les problèmes que vous avez dû résoudre ? 

Le financement a été le plus gros challenge. Les autres problèmes plus techniques et scientifiques finissent en général par se résoudre, nous sommes des ingénieurs, c’est notre boulot. Pour les levées de fonds par contre, c’est une autre histoire, il faut se mettre en avant, frapper à toutes les portes, et se préparer à ce que beaucoup restent fermées. Il ne faut pas baisser les bras et penser jusqu’au bout que l’on finira pas trouver les bonnes personnes.  Finalement, c’est le réseau qui nous a sauvés, et notre détermination.

Maintenant, le challenge, ce sont les prochains recrutements et la structuration. Être capables de grandir, tout en conservant nos valeurs ! 

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

4 commentaires sur « La Tannerie Végétale ou comment reproduire les propriétés du cuir avec du végétal ? »

    1. Bonjour,
      Merci de nous transmettre vos coordonnées, via l’onglet « contact » :
      associationdesinterpreneurs.wordpress.com/contact/
      Nous organiserons une mise en relation avec La Tannerie Végétale.
      Sincèrement,
      L’équipe des interpreneurs

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