Développer l’innovation par le marché et le réseau

Non seulement, il n’y a pas en France de “préférence nationale” pour nos innovations, mais elles rencontrent une franche hostilité. Comment résoudre ce problème, grave ? Un entretien avec Christophe Breuillet, qui dirige le cluster Vitagora. (https://www.vitagora.com/)

Vitagora et l’innovation ?

Vitagora c’est une équipe de 30 personnes et 670 membres. Je dirige Vitagora depuis 18 ans, après avoir débuté chez Carrefour et été directeur industriel. Je suis parti d’une feuille blanche ! Depuis le début, l’innovation est ma priorité. Mais les entreprises peuvent innover tous azimuts : sur les produits, l’outil industriel, l’organisation, le service, la qualité, les problèmes du quotidien…

Le premier fer de lance de Vitagora a été l’innovation par les projets collaboratifs. Nous avons dû apprendre aux mondes de la recherche et de l’industrie à travailler ensemble.

Cela a évolué vers l’innovation ouverte sous toutes ses formes, et sur un plan international. Par exemple, nous avons ouvert un bureau au Japon, où nous avons deux personnes. Nous cherchons à favoriser la fertilisation croisée entre nos membres en France et des acteurs japonais, à les guider à surmonter les barrières culturelles pour monter des projets ensemble.

Dernièrement nous avons cherché à intégrer les consommateurs dans les processus d’innovation en lançant un « Living Lab ». Cette fois-ci, il s’agit d’apprendre aux entreprises de travailler avec les consommateurs ! Par le biais de son programme Territoires d’innovation « Alimentation Durable 2030 » la ville de Dijon a apporté un soutien majeur à cette initiative. Au sein du Living Lab, les citoyens participent à des ateliers pour “projeter son imaginaire”, via des actions d’intelligence collective et de co-construction.

Quelques exemples ?

Aujourd’hui, on parle beaucoup de la transition vers des sources de protéines durables. C’est pourquoi notre Living Lab a travaillé sur les légumineuses et comment les adapter aux goûts et usages des consommateurs. De ces travaux émergent des idées de produits que nous soumettons aux PME et aux grands groupes, qui, en retour, nous proposent des cahiers des charges industriels. Nous faisons tout un travail de médiation entre les parties prenantes du marché.

Un autre exemple est notre travail avec les assistantes maternelles. Il est devenu très compliqué de combiner la garde des enfants, les courses, la cuisine. Nous les aidons à concilier toutes ces contraintes, et à cuisiner des repas équilibrés, au bon goût, en utilisant les produits locaux.

Comment aidez-vous les start-ups innovantes ?

Nous orientons d’abord les porteurs de projets vers des incubateurs. Ces derniers ont tout pour faire réussir le projet et les aider à trouver des financements. Petit à petit, la culture de l’entrepreneuriat gagne du terrain en France… A la différence des USA, par exemple, nous n’avions pas de culture de l’échec !

Une fois l’entreprise lancée, nous intervenons comme un accélérateur, pour réussir le “scale up”. Pour cela, nous utilisons essentiellement l’effet réseau. Un réseau “bienveillant” : par exemple, un industriel va mettre à disposition d’une start-up ses installations pour réaliser une petite série. Ou des chefs d’entreprise offrent leur temps pour faire du « mentoring » pour guider et conseiller les jeunes entrepreneurs. Nous avons aidé les gens de notre réseau à s’approprier cette notion de bienveillance, et je suis ravi de constater que ça marche !

Ensuite, il est primordial d’aider les start-ups à bien identifier leur marché. Notre stratégie est de pérenniser la croissance de l’entreprise par le développement de son chiffre d’affaires. Ça semble évident, mais trop souvent les start-ups courent après les levées de fonds et, après quelques années d’insouciance, elles découvrent la réalité et disparaissent !

En tout, chez Vitagora les start-ups trouvent les bons contacts – des mentors, des clients, une ouverture en France ou à l’international – et aussi les bonnes expertises pour réussir leur projet !

Comment favoriser le développement de l’innovation en France ?

La régionalisation a entraîné un repli des régions sur elles-mêmes. Auparavant, les pôles de compétitivité avaient une vision globale. Maintenant chacun tire la couverture à soi. Or, la France est un petit pays, elle doit jouer collectif. En fait, il y a tous les moyens nécessaires, il y a même beaucoup d’argent. Le problème est que l’on ne travaille pas ensemble. Il faudrait que l’Etat soit stratège, porte une vision à long terme et coordonne l’effort collectif.

A cela s’ajoute une complexification administrative croissante. Avant, pour obtenir une subvention, il suffisait d’un échange par email. Maintenant, pour la même subvention, il y a des réunions sans fin et une quantité importante de dossiers à remplir.

C’est ce poids technocratique qui tire l’innovation vers le bas et décourage le dirigeant. Il faudrait qu’il y ait une prise de conscience pour libérer un terrain de jeu où l’innovation aurait toutes les chances d’émerger.

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

3 commentaires sur « Développer l’innovation par le marché et le réseau »

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