Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Point d’avancement des enquêtes de l’association, début 2023

Voici une tentative d’analyse de ce que notre travail d’enquête nous a fait découvrir à ce jour. 

Rappel : objectif de l’association et méthode d’intervention 

La mission de l’association est de trouver le moyen de tirer parti de la créativité de la PME française. 

Sa méthode d’intervention est l’enquête (environ un témoignage par semaine), et l’accompagnement de dirigeant. L’accompagnement est la partie critique de sa démarche. C’est sa principale source d’expérience.  

Constats  

Le tissu économique traditionnel  

Nos observations sur le tissu économique varient peu, depuis les origines de l’association : 

  • La grande majorité des PME ont un potentiel qu’elles ignorent, il est considérable 
  • Idem pour les territoires  
  • Des secteurs entiers sont atomisés 
  • Le modèle économique de la PME est “laminé” du fait d’un phénomène qui s’apparente à la “concurrence parfaite”.  
  • Son “potentiel ignoré” s’explique par le fait que son savoir-faire combiné aux aspirations nouvelles et aux technologies modernes produit un modèle économique nouveau, porteur et “différencié” (sans concurrence). 
  • Le dirigeant est, quasi systématiquement, un entrepreneur pur, qui ne sait pas identifier son modèle économique et constituer l’équipe de management nécessaire à la réalisation d’un tel modèle économique. 
  • Les aides publiques ne touchent qu’une toute petite minorité d’entreprises, généralement de grande taille et situées dans les métropoles (qualifiées de « les plus visibles » par un interviewé).  

Besoin de la PME  

Les techniques que nous utilisons (“top boss” notamment) donnent une idée assez claire de ce dont a besoin l’entreprise pour réaliser son “potentiel ignoré” : 

  • La nature des problèmes que rencontre le dirigeant est de l’ordre du “blocage” (par exemple idée fausse concernant un sujet critique, mais généralement trivial), pas d’un besoin de formation longue. Une simple rencontre du dirigeant avec des pairs expérimentés permet de faire émerger un projet qui le motive, un nouveau “modèle économique”, et d’éliminer les “blocages” qui l’empêchent de se réaliser.  
  • L’expérience montre que sans stimulation “activiste” à long terme, le projet a peu de chances de décoller. Le dirigeant est “aspiré” par le quotidien. (Les exceptions sont rares.) 

En résumé, le besoin est remarquablement faible.  

Ce constat est en accord avec les témoignages que nous recueillons depuis le début de nos enquêtes. Ils montrent, systématiquement, qu’il en faut vraiment peu pour transformer la situation d’une entreprise. Il n’y a pas un problème, soit-il aussi inquiétant que l’inadaptation au besoin de l’entreprise de la formation que fournit l’Education nationale, qui n’ait trouvé une solution quelque-part. Et pas n’importe quelle solution : une solution originale, efficace et élégante.  

Le piège, ici, est d’attendre le secours de l’Etat ou la croyance en quelque “théorie du complot”, telle que la prétendue “paresse de la jeunesse”.  

Tentative d’explication de ce qui précède 

Il semble évident que la stimulation nécessaire à la “réalisation du potentiel” de l’entreprise devrait être fournie par l’environnement immédiat de l’entreprise. Cela est confirmé par les observations que nous avons faites de régions, à forte culture coopérative, telles que la Vendée ou de pays étrangers, tels que l’Allemagne, la Suède, la Suisse et l’Italie.  

Pour résumer nos constats : l’innovation et la croissance économique sont des phénomènes “organiques” ; comme un être vivant, un tissu social a besoin de conditions favorables pour les produire. Ces conditions ne sont plus présentes en France

Pourquoi ? Avec beaucoup d’autres, on peut penser que c’est la conséquence des politiques du demi-siècle qui vient de s’écouler.  

Elles sont qualifiées de “libérales”. Le terme libéralisme n’est pas bien défini. Pour en comprendre la conséquence, il paraît efficace de remonter à ses principes fondateurs, exprimés au temps des Lumières par les “économistes”. Il s’agit de réaliser une “société d’individus” (de façon à ce qu’aucun homme ne puisse en dominer un autre), au moyen du “marché” supposé, contrairement à la nature, organiser les relations humaines idéalement.

Il est tentant de penser que cela produit une prédiction auto-réalisatrice, dont la fameuse “solitude du dirigeant” est une manifestation.  

Mais, pour autant, il est impossible de réaliser la fiction de la “société d’individus”. Le libéralisme n’étant pas anarchisme, la “superstructure” étatique et politique n’est pas affectée. Au contraire.  

Voici notre “rapport d’étonnement” concernant nos premiers contacts avec ce monde peu familier : 

  • Il n’obéit pas aux codes qui se pratiquent au sein des entreprises et de la population, et dont le principe est, plus ou moins, celui de la bourse de Londres : “my word is my bond”.  
  • Le politique a probablement beaucoup moins de pouvoir qu’on ne le pense. La réalité de ce pouvoir, est, vraisemblablement, entre les mains de services publics (nationaux, régionaux ou locaux), qui ont leur agenda propre. La situation semble très proche de ce que l’on observe dans l’économie sociale.  
  • Vraisemblable résultat de réformes dites “libérales”, les structures traditionnelles d’aide à l’entreprise ont été supprimées. Elles ont été remplacées par un système d’aide très généreux, mais lié au politique, en particulier aux Régions.  
  • Ce système est désorganisé (“mille-feuille administratif”), instable car lié aux aléas électoraux, et porteur de messages contradictoires. Il obéit à une logique essentiellement relationnelle. Cela favorise les grandes entreprises, mais aussi les entreprises organisées en réseau (cf. Les “clusters”), qui peuvent confier à des salariés le soin d’entretenir une relation permanente avec les services publics. Le retour sur investissement public ne peut pas être bon, dans ces conditions. Et, comme on nous le répète, l’aide publique a beaucoup de mal à sortir des grandes villes.  
  • La sensibilité à l’intérêt général de cet univers ne s’exprime pas de la même façon que pour le reste de la population. Par exemple, il nous a été dit que le succès de Territoires d’industrie tenait beaucoup à des considérations de prestige territorial. 

Changement  

Par ailleurs, nos travaux nous amènent à découvrir que le monde traverse un changement “systémique”. Voici quelques éléments de ce changement, tels que nous les percevons : 

  • Le monde subit des crises à répétition. Elles nous paraissent être des “crises d’adaptation” correspondant à un changement de la logique des rapports entre nations et entre hommes. En conséquence, il faut s’attendre à plus de crises, et qu’elles frappent, à chaque fois, plus “profond” dans les fondations inconscientes de nos sociétés. (De même que M.Poutine cherche à ébranler les fondations de l’Occident.) 
  • Après l’ère de la globalisation, le mode d’échanges sociaux et économiques semble adopter une logique de type “Web 3.0”, d’échange déterminé par la flexibilité et la confiance, et, plus généralement, par “l’open innovation”, dont il est question plus-bas. 
  • Notre étude des start-up industrielles, en particulier, nous amène à nous demander si l’activité humaine, qui était fondée sur l’exploitation des ressources fossiles et minières, ne pourrait réintégrer les cycles naturels (sans pour autant être altermondialiste). Ce qui signifie des bouleversements économiques. Par exemple, la chimie pourrait substituer la production du vivant, donc de l’agriculture, au pétrole.  
  • Il y a aussi une aspiration nouvelle à l’organisation du travail et à son “sens”, qui s’exprime outre par le point précédent, par le concept “d’open innovation” : l’innovation résultant de la combinaison originale de compétences d’un groupe constitué spécifiquement à cet effet. Un intérêt de ce dispositif “égalitaire” est que, contrairement à l’organisation traditionnelle du travail, il est hautement motivant. Il correspond à l’esprit de “l’entreprise libérée”.  

Ces observations sont loin d’épuiser le sujet. Il est extrêmement difficile à la fois d’observer, et de comprendre les tendances qui sous-tendent nos observations.  

En revanche, un corollaire de ce qui précède, qui concerne notre mission, est que la question de la souveraineté, le fait que notre tissu économique a beaucoup de rattrapage à faire, et que cela demande simplement de le “réalimenter”, montrent que la PME traditionnelle a un potentiel énorme. 

A noter qu’il est incorrect d’affirmer que seule la start-up peut être “disruptive”. Nous constatons que l’entrepreneur traditionnel est tout autant, sinon plus, aventureux et inventif que le start-upper.  

Conclusions de ce qui précède et expérimentations 

Nous déduisons de ce qui précède qu’il faut reconstituer un terreau favorable à la “réalisation du potentiel” de notre tissu économique. Nous constatons qu’il a deux composants : 

  • Solidarité. Il s’agit de recréer des conditions de “chasse en meute”, en suscitant l’intérêt de l’entrepreneur pour la coopération et en lui proposant des techniques adaptées.  
  • Optimisme. “Il n’est pas possible de faire boire un âne qui n’a pas soif”. Ce qui nous frappe est l’extraordinaire inertie du pays. Aucune mesure d’aide ne peut réussir sans désir d’en tirer parti.   

De là un certain nombre d’idées concernant la façon de révéler ce potentiel.  

Solidarité 

Le Projet Economique Territorial 

Il existe des techniques simples et efficaces qui permettent de créer une dynamique entrepreneuriale locale. Leur principe correspond à celui de la méthode utilisée par Territoires d’industrie, mais en la couplant à une technique de type “top boss”, afin de faire émerger le “potentiel ignoré” du territoire.  

Nous pensions pouvoir lancer des projets pilotes, en collaboration avec des intercommunalités. Seulement, en dépit d’un très bon accueil, nous n’avons pas encore réussi.  Avons-nous les moyens du « relationnel » qui se pratique dans cette culture ? En tous cas, nous allons persévérer.

L’investisseur financier  

Le “potentiel ignoré” des territoires est une opportunité pour un investisseur financier. Depuis trois ans, nous avons pris une part active dans plusieurs accompagnements d’entreprises. Et mis au point une méthode simple et robuste pour développer leur potentiel.  

Du fait du métier de nos adhérents, des liens que nous avons tissés au cours de nos enquêtes, nous nous trouvons entre des entreprises qui cherchent des fonds, et des fonds, publics ou privés, qui ne parviennent pas à trouver à s’investir… L’étape suivante pourrait consister à créer un intermédiaire. 

L’avantage de cette option est qu’elle correspond à “l’ADN” des membres de l’association, quasiment tous gens d’entreprise, sa difficulté consiste, ici comme ailleurs, en la très surprenante culture française. Par exemple, l’investisseur français ne paraît pas obéir à la rationalité habituelle de sa profession.  

Le “cluster” 

Finalement, la question centrale que pose notre enquête est : comment reconstituer le tissu économique stimulant dont a besoin l’entreprise pour réaliser son potentiel, tissu présent, sous une forme ou une autre, partout ailleurs dans le monde ?  

Nous ne reviendrons pas ici sur notre étude sur les clusters, mais nous observerons simplement que cette stimulation locale est de très loin le meilleur “accélérateur” économique, et, qu’en outre, elle est la condition nécessaire de l’absorption rapide de l’innovation par l’ensemble des entreprises qui peuvent en profiter (cf. Le numérique, et “l’industrie 4.0).  

Nos observations posent la question du service public. Comme en ce qui concerne l’éducation, les infrastructures routières et un certain nombre d’autres services, une communauté a intérêt à aider son tissu économique, en créant des conditions favorables à son développement. Elle a intérêt à “organiser l’autonomie”, selon le mot du professeur Henri Bouquin. Faut-il reconstituer ce qui existait auparavant ? Cela avait peut-être l’inconvénient d’un certain manque d’efficacité, mais l’avantage de l’exhaustivité, et de la neutralité que n’a pas un système exclusivement « politique ». Faut-il chercher d’autres solutions ?  

Dans tous les cas, le “cluster” mérite une étude approfondie.  

Qu’est-ce qu’un cluster ? 

Le terme en lui-même n’est pas bien défini. Les clusters de France Clusters en donnent probablement une assez bonne approximation. Mais, ce n’est pas la seule solution possible. Le meilleur exemple de cluster est le secteur de la mode. C’est un environnement qui transforme un Japonais inconnu, timide et parlant à peine français, Kenzo, en une star de l’économie mondiale, et où l’on trouve tout ce dont a besoin le créateur. Y compris, serait-on tenté de dire, les boîtes de nuit, et les vendeurs de drogue. 

Plus généralement, un “cluster” est simplement un dispositif favorable à la coopération. Les Tiers lieux, que nous avons étudiés récemment, semblent favorables à leur émergence. L’Open innovation, dont il est question plus-haut, entre naturellement dans la logique du cluster.  

L’intérêt du cluster est qu’il est un “bien commun” qui représente les intérêts d’un territoire. Ce n’est pas une structure imposée d’en haut, et donc loin de la réalité, qu’était la Chambre de Commerce telle que l’a conçue Napoléon.  

Est-ce une bonne solution ?  

Peut-on stimuler l’envie du dirigeant de “chasser en meute” ? Quel dispositif pour cela ? Et un déploiement “exhaustif” de clusters est-il possible, qui permette à l’ensemble des entreprises françaises de profiter du même niveau de services, en particulier de formation accélérée à l’innovation, ce qui est dans l’intérêt général ?  

Optimisme  

Le résultat le plus inattendu de nos travaux est l’observation que “quelque-chose” fait que le Français est inerte. Ce qui suscite chez nous, interpreneurs, une extraordinaire frustration.  

Les jeunes générations sont un peu différentes. Elles ont une culture de l’entreprise, de la start-up, qui s’apparente à l’anglo-saxonne. Leurs plans sont mondiaux, par exemple. Mais, elles aussi, tendent à se contenter de peu. Le Français paraît être un “retraité” au sens de repli sur soi.  

Pour nous, l’optimisme n’est pas une question d’ambition, ou d’argent, mais, en quelque-sorte, de “vie”. C’est déborder d’idées et d’envies.  

Nous ne sommes pas convaincus par les travaux scientifiques sur le sujet, plus théoriques que pratiques. Nous nous sommes engagés dans des expérimentations, et nous diffusons les “ateliers de l’impossible”, des vidéos portant sur la résolution de problèmes jugés “impossibles”, par des personnes à l’optimisme que nous espérons communicatif…  

Impressions finales 

Pour conclure, voici brièvement les impressions que nous tirons de nos travaux. Ce qu’il faut retenir quand on a tout oublié.  

  • Tout ce que l’on entend est à la fois juste et faux. Par exemple, oui, les aides de l’Etat ne touchent que les « privilégiés », mais non il ne le fait pas exprès. Seulement « ses ailes de géant l’empêchent de marcher ». D’une manière générale, il n’y a pas de “complot”. Il est plus juste de dire que “qui veut faire l’ange fait la bête”.  
  • On ne se rend pas compte à quel point notre pays “post libéral” est fragile, désorganisé et irrationnel. Nous sommes heureux qu’il y ait une accalmie dans les crises, car nous craignions que la prochaine ne crée un cercle vicieux fatal. 
  • L’humanité traverse un changement peut-être sans précédent. La France connaît un bouillonnement d’idées et d’initiatives. Impossible de dire où cela nous mène. Ce qui est sûr est que cela crée des opportunités exceptionnelles. Elles nous sont peut-être plus favorables qu’à d’autres. 

Que nous basculions d’un côté ou de l’autre ne dépend que de nous, les sans-grades des profondeurs de la nation.  

Publicité

Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

2 commentaires sur « Point d’avancement des enquêtes de l’association, début 2023 »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :