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Ce n’est pas une maladie honteuse de faire appel à des compétences extérieures !

Dans la vie d’une entreprise arrive parfois le moment ou, soudain, rien ne va plus. Après des années de succès, sans que l’on sache trop pourquoi, elle peut entrer dans un cercle vicieux. Paradoxalement, tout ce qui devrait l’en sortir, l’y enfonce un peu plus. 

Nous allons discuter de cette situation avec Jean-Michel Tanquerey, un “manager en mission” spécialiste de logistique industrielle, encore appelée Supply Chain. 

Votre pire expérience ? 

Une expérience ordinaire… J’arrive en juillet. En mai, juin, mon prédécesseur n’a pas fait le chiffre d’affaires prévu au budget. Pourtant, il y a suffisamment de contrats clients !

L’entreprise fabrique des emballages plastiques pharmaceutiques, qui sont au contact des médicaments, par injection ou injection-soufflage. 

L’unité a subi des réductions d’effectifs. Elle a perdu 30 personnes, alors qu’elle en employait 280. Un des médicaments a été interdit par la FDA (équivalent américain de l’Agence française du Médicament), d’où un gros à-coup à la baisse sur la demande. Or, elle a été achetée par une entreprise américaine qui exige beaucoup plus de rentabilité. La direction a donc demandé à ses commerciaux de chercher des contrats. Ce qui a progressivement saturé la capacité de production. 

Mon prédécesseur n’a pas vu arriver le retournement de tendance, et la saturation. Jusque-là lui et ses collègues étaient focalisés sur les coûts. Ils n’avaient pas perçu la perte de compétences, et la désorganisation qui résultaient du plan social.

Qu’avez-vous fait ? 

Ce qui est classique dans mon métier : la recherche de goulots d’étranglements. 

Il y en avait partout : dans le parc de 100 machines, en aval avec la stérilisation, en amont avec les matières premières… Par exemple concernant la stérilisation, l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) du médicament définit les méthodes, procédures à suivre, et jusqu’à la chambre de stérilisation désignée, d’un stérilisateur lui-même désigné. Si celle-ci est saturée, vous ne pouvez pas en changer. C’est elle qui devient goulot d’étranglement et à ce titre qui limite votre Chiffre d’Affaires pour ce produit spécifique. 

Quand vous avez une capacité insuffisante, ce qui est perdu est perdu, et ne se rattrape jamais ! 

Comme d’un fait exprès, dans ce contexte, il y avait douze machines à déménager dans une nouvelle halle de production, dont 7 étaient des goulots d’étranglement… La durée d’indisponibilité due au déménagement doit être minimisée car elle se traduit par une perte sèche de CA.

Par ailleurs la réduction d’effectifs avait produit un traumatisme. Les employés se recroquevillaient, n’avaient pas compris que l’entreprise avait repris son développement. Ils essayaient juste de ne « pas prendre de coup ». Ils ne trouvaient plus les solutions. Tant parce qu’ils restaient focalisés sur les coûts, que par manque d’outils d’analyse, ou encore par peur du risque. 

Je leur ai dit : il faut changer de point focal, il n’y a pas que les coûts ! 

Par exemple, acheter une seconde vis d’injection sur une machine goulot, permettait d’accélérer le changement de matière car alors vous pouviez nettoyer l’une en temps masqué, c’est-à-dire pendant que l’autre vis était déjà en train de produire. Ce n’était qu’un petit investissement, mais il libérait de la capacité, immédiatement traduite en CA supplémentaire. Gros impact, donc ! Idem pour les préchauffeurs de matière ou encore pour des broyeurs de carottes d’injection. 

La clé a été de faire travailler les gens ensemble, de façon à faire sortir les problèmes et les solutions. Par exemple nous avons redécouvert que les moules des presses de 85 tonnes pouvaient fonctionner sur la 120 tonnes… qui elle disposait de capacité libre. Et, par un jeu de dominos, ceux des presses de 50 tonnes, sur les 85 tonnes… Ce qui ne plaisait pas toujours à la maintenance et aux règleurs. Seulement, en discutant on parvient à trouver des solutions qui conviennent à tous. Le CA a augmenté de 20% avec un parc de machines constant.

Nous avons aussi fait des études de capacité, en profitant de ce que les contrats clients étaient à 3 ou 5 ans. Deux types de saturation sont possibles : celle des moules, et celle des machines. Nous avons travaillé  à désaturer les groupes de machines. Ce qui a permis de justifier l’achat de deux moules bien ciblés et celui d’une machine de 120 tonnes. En conséquence nous avons dé-saturé les trois principaux groupes de machines, 50, 85 et 120 tonnes. L’investissement, certes plus lourd cette fois, sous-tendait l’augmentation de CA suivante, de l’ordre de 5%.

Quels enseignements en tirez-vous ? 

Il y a des moments où l’entreprise est un casse-tête chinois. Les KPI sont dégradés, le relationnel est dégradé. Les gens n’arrivent pas à en parler. Ils n’arrivent pas à mettre sur la table leurs différends. Par exemple : certains veulent augmenter les stocks et d’autres ont pour objectifs de les réduire. 

Le dirigeant sait que l’entreprise a mal, mais il ne sait pas de quoi elle est malade. “J’ai mal au stock et au service client.” “Je ne sais plus comment faire.” Il a beau avoir eu beaucoup de belles réussites jusque-là, il n’arrive plus à trouver la solution.

Dans ce cas, les réductions d’effectifs s’étaient faites sans tenir compte de la compétence perdue, et de la désorganisation des services. Effet secondaire : les gens s’étaient recroquevillés. Plus personne n’osait prendre d’initiative. Ce qui produit un cercle vicieux : plus la situation se dégrade, moins les employés “veulent y aller”… Plus le temps passe, plus la situation se dégrade…

Le dirigeant a besoin d’un regard extérieur, et surtout d’une expérience de ces situations. Il ne s’agit pas de remettre tout en ordre, mais de remettre suffisamment d’ordre pour qu’un salarié “normal” puisse être attiré par un défi certes, mais un défi à sa mesure, et qu’il ait envie de prendre la suite. 

Ce n’est pas une maladie honteuse de faire appel à des compétences extérieures !

Comment aborder ces situations ? 

Il faut gagner la confiance. Cela se joue en moins de 48h. 

Je suis coach d’équipe. Dans la première heure, je reçois tous mes collaborateurs directs. Je leur explique le niveau d’exigence relationnelle que j’attends entre eux, et entre eux et moi. Aucun désaccord ayant trait au bon fonctionnement de la Supply Chain ne doit être tabou, relation hiérarchique ou pas. Et au plan relationnel, aucune incompréhension, ne doit s’infecter et venir alimenter quelque souffrance que ce soit. Je suis très attentif aux risques psychosociaux (RPS) en phase de changement. 

Je suis également « Change Manager » certifié IMCM (International Multidisciplinary Change Management). Toujours dans cette réunion « de la première heure », j’explique à mon équipe que nous sommes désormais là, ensembles, pour transformer l’entreprise et ses résultats. Plus précisément pour transformer la Situation Actuellement Insatisfaisante (SAI) en Situation Future Satisfaisante (SFS), lesquelles sont définies avec le dirigeant… Dirigeant dont je tire toute ma légitimité à conduire ce changement.

Souvent, l’équipe a besoin d’une boussole. Elle a tout ce qu’il faut pour résoudre le problème, mais ne sait pas par quel bout commencer. Je lui explique que l’on ne va pas tout régler d’un seul coup, mais que l’on va identifier ensemble quelques sujets prioritaires. Par exemple, les goulots d’étranglement. Une fois les goulots d’étranglement identifiés, il faut les saturer. C’est-à-dire mettre tout en œuvre pour qu’ils ne s’arrêtent jamais ! C’est ce qu’on appelle la TOC (Theory Of Constraints). C’est une excellente boussole pour se repérer.

Il faut prendre la décision de se focaliser sur 4 à 5 sujets clés qui feront levier. Faire une liste d’actions longue comme le bras, tout le monde sait faire. Dans mes missions, c’est cela qui me met le plus sous tension : choisir avec parcimonie et discernement les actions clés qui feront basculer les résultats. Quand vous abordez ce type de situation, il y a des déviations de tous les côtés. Il faut trouver laquelle, une fois remise en ordre, va produire le plus d’effets. Le réalisme doit primer ! Et, si mes co-équipiers  ne croient pas à telle action précise, je n’insiste pas, je passe à la suivante. En effet, l’action efficace est aussi celle qui va mobiliser toute leur motivation.

J’ai constaté que lorsqu’une situation dégradée perdure (résultats et relationnel), les employés ont envie de changer. Les freins au changement sont alors réduits. Et, la mission s’annonce bien !

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Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

2 commentaires sur « Ce n’est pas une maladie honteuse de faire appel à des compétences extérieures ! »

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