Dans notre nouvelle série de portraits de fondateurs de start up industrielles, toujours en collaboration avec le Collectif Startups Industrielles France, nous rencontrons Pierre Laurent-Badin, co fondateur de la Société Fluviale de Logistique. (https://www.fluviale-de-logistique.fr/)
D’où vous vient l’idée de cette entreprise ?
Du CM2, quand Monsieur Arfeuille m’enseignait qu’un convoi fluvial pouvait remplacer plusieurs centaines de camions… Je ne comprenais alors pas pourquoi il y avait si peu de bateaux…
J’ai par la suite suivi des études d’officier de 1ère classe de la marine marchande qui m’ont permis de naviguer sur des porte-conteneurs de 300m. Ça aussi, c’est évidemment un élément fondateur pour notre objectif principal : la réduction du coût de la rupture de charge !
En effet, le conteneur a révolutionné le transport maritime par sa multimodalité (bateau, train, camion…) et sa standardisation (manutention rapide et facile dans le monde entier). C’est une véritable source d’inspiration pour moi.
Puis j’ai eu une deuxième vie : j’ai quitté la navigation pour intégrer un master spécialisé entrepreneuriat, à la suite de quoi j’ai créé une première entreprise, puis pris des fonctions de direction dans l’industrie maritime et manufacturière. Il y a 2 ans, j’ai commencé à éprouver un besoin irrépressible de participer à la réduction de notre empreinte environnementale !
Toutes les briques précédentes se sont donc rassemblées pour lancer le projet de la SFL, avec mes deux associés.
Que fait votre entreprise ?
La Société Fluviale de Logistique est une compagnie de transport fluvial qui a développé une solution de manutention embarquée permettant le transbordement automatisé et rapide de palettes. Le transport fluvial pour la logistique urbaine est une solution de transport naturellement massifié opérant sur un réseau existant et sous-exploité.
Il répond à d’importantes problématiques environnementales (CO2 en tête) et sociétales (nuisances et accidentologie en tête).
Notre solution technologique réduit l’impact en coût et en temps des ruptures de charges permettant l’intégration du transport fluvial comme un maillon essentiel de la logistique urbaine.
Nous avons développé une solution de manutention autonome permettant une cadence de 30 secondes par palette, soit 4 à 6 fois moins que les standards actuels. Cette cadence permet d’intégrer les flux de la grande distribution, aux volumes importants, mais aussi l’ensemble des commerces de centre-ville, les cafés hôtels restaurants et la logistique des colis.
Avez-vous une idée des gains qu’apporte votre solution ?
Nous avons développé un outil de comparaison chiffré de ces schémas, incluant les transports amont et aval nécessaires au segment fluvial, et intégrant le CO2e sur l’analyse du cycle de vie complet ainsi que l’ensemble des externalités négatives.
Si l’on applique notre schéma sur un cas concret à Lyon, par exemple, nous obtenons une réduction de 33% des émissions CO2e et de 76% des autres externalités négatives.
Quelles sont les questions auxquelles vous êtes confronté ?
Notre principal frein actuel est le financement d’un projet industriel de rupture technologique et de rupture d’usage. Contrairement à la majeure partie des projets 100% digital, la preuve de concept industrielle est onéreuse. Nous avons besoin de financer des actifs lourds dès le début. Les partenaires et clients pourront nous suivre s’ils voient la concrétisation technique de notre proposition, c’est-à-dire avec la preuve de concept.
Il existe bien un certain nombre de financements pour démarrer, subventions, avances remboursables, portés par des organismes publics et para publics, mais le besoin de fonds propres devient vite nécessaire pour avancer. C’est à cet endroit que le besoin d’aide se fait ressentir. Il commence à y avoir un intérêt pour une industrie relocalisée en France, post covid et dans le contexte de réduction de l’impact carbone. Mais notre projet présente une difficulté supplémentaire dans sa nature : nous proposons un service industriel, et non un produit industriel, donc pas d’usine de production au sens propre.
Qu’est-ce qui pourrait vous être utile ?
La sphère publique prend conscience de cette situation et le Collectif des Start-up Industrielles a largement œuvré pour synthétiser et expliquer les besoins de l’écosystème. Il faut que les quelques démarches entreprises se généralisent sur tout le territoire.
Je pense, par exemple, au FAIM à Lyon et Saint Etienne (Fonds d’amorçage industriel Métropolitain) dont l’objectif et les moyens sont très adaptés au besoin, en particulier sur un territoire industriel comme la région AURA, même si j’en trouve la thèse trop limitée à la fabrication industrielle.
La région avait d’ailleurs initié un mouvement similaire dès 2020 avec le fonds souverain AURA, plutôt dédié à des entreprises plus mûres.
L’écosystème des VC connaît mal l’industrie, et ne s’en rend parfois même pas compte. On m’a déjà posé des questions sur le churn (véridique) et d’autres sujets très orientés digital.
Il y a donc un véritable travail de pédagogie à réaliser pour que ce qu’il se passe pour les licornes digitales puisse se produire aussi pour les start-up industrielles. Pour rappel il y a 27 licornes Françaises, dont 1 seule véritablement industrielle : Exotec. Vivement les prochaines !
Pour autant, je suis confiant quant à notre capacité à boucler notre première levée de fonds avant la fin de l’année.
Et votre avenir, comment le voyez-vous ?
Notre priorité est de développer la technologie pour effectuer nos premiers essais (POC + MVP) au cours de l’automne 2023 à Lyon.
Cette POC sera faite à l’échelle 1, sur un bateau d’occasion de moyenne capacité. Une fois cette étape-là franchie, nous développerons la solution complète sur un bateau de construction neuve totalement adapté à notre marché. Ce bateau sera déployé à Paris.
A partir de là nous pourrons envisager un déploiement de plus grande envergure, en France sur les principales villes fluviales françaises avant 2025, puis en Europe.
Il est intéressant de noter que la France, bien qu’ayant une culture moins fluviale que ses voisins (Allemagne, Belgique, Pays bas), est plutôt en avance en termes d’innovation pour la logistique fluviale urbaine.
Nous nous prenons aussi à imaginer d’autres cas d’usages pour les technologies que nous développons, toujours dans le cadre d’une logistique urbaine plus vertueuse ! Mais ce sera pour un autre épisode !
Compléments :
Pour voir une simulation de l’équipement en fonctionnement, cliquez ici : https://www.fluviale-de-logistique.fr/
Un avis sur « Logistique, canaux et défis environnementaux… »