Notre étude des clusters, en collaboration avec France Clusters, se poursuit cette semaine avec Mécaloire. Baptiste Autin répond à nos questions. Il est responsable d’agence OREM-ASTRE, vice-président de Mécaloire et membre du collectif Production France !
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur vous ?
Mon père est décédé prématurément en 1998, j’ai dû reprendre son entreprise de 25 salariés, à 20 ans, tout en poursuivant mes études jusqu’au diplôme d’ingénieur des mines. En 2006, ma société est entrée dans le groupe OREM-ASTRE. Je suis depuis responsable de son agence de Saint Etienne et nous avons multiplié par trois l’activité (CA 2020 à 5M€). Les quatre agences du groupe emploient 200 personnes pour un CA 2020 à 14M€. Mon agence a soixante-dix employés. Elle a quatre métiers :
- Etudes industrielles (assistance technique).
- Maintenance industrielle. (Mécanique, chaudronnerie, électromécanique…)
- Travaux neufs (charpentes métalliques pour process, machines spéciales, tuyauterie…).
- Déménagement d’usines (transfert industriel clé en main).
Nos agences ont des métiers très complémentaires, sur quatre bassins (stéphanois, lyonnais, savoyard et drômois), avec des clients très différents, ce qui permet notamment de lisser les crises sur le groupe.
Quelle est l’histoire de Mécaloire ?
Née en 1995 et initiée par un regroupement d’une quinzaine d’entrepreneurs, MECALOIRE est une association loi 1901 regroupant des entreprises appartenant au secteur de la mécanique et de la métallurgie et des partenaires industriels du territoire (Entreprises dans un rayon de 2h de trajet maximum de Saint Etienne). A travers son rôle de facilitateur d’échanges, MECALOIRE favorise la coopération, le développement économique et l’innovation au sein de ses entreprises adhérentes.
MECALOIRE a pour premier objectif de rompre l’isolement du dirigeant et pour second de développer son réseau et générer du business.
Aujourd’hui, il est constitué d’une centaine d’entreprises, une majorité de PMI / PME, quelques ETI et TPE. Outre les membres industriels, il y a aussi des écoles (Mines de Saint Etienne, ENISE, IUT de Saint Etienne et lycées techniques) et l’UIMM. Sa dominante est mécanique. De la conception à la livraison de la pièce finie, on a la verticale mécanique. On y trouve des usineurs, des intégrateurs, de l’ingénierie, du traitement de surface, du traitement thermique, des moulistes, des fondeurs, des chaudronniers, mais aussi des fabricants des produits très spécifiques (comme des ressorts et des machines spéciales…).
Le cluster retrouve un second souffle après des moments de flottement. En particulier, il a été très affecté par les réformes gouvernementales, et les changements qu’elles provoquent notamment la loi NOTre avec la perte de financement par le Département.
Par exemple les CCI ont perdu une bonne partie de leurs moyens, et, indirectement, le cluster, son animateur. Néanmoins MECALOIRE a su conserver des partenaires financeurs historiques comme la Métropole de Saint-Etienne.
Récemment a été constitué un cluster de clusters, en rapprochant Mécaloire, de MécaBourg (Bourg en Bresse), de Vilesta (Drôme/Ardèche) et de Mont Blanc-Industries (Haute-Savoie). Le tout dans un écosystème chapeauté par CIMES, le pôle de compétitivité mécanique Auvergne-Rhone-Alpes. Deux autres clusters en constitution à Grenoble et à Clermont pourraient les rejoindre à court terme.
Sur quels sujets travaillez-vous actuellement ?
Nous avons 5 groupes de travail :
- Innovation technologique et industrie du futur. Nous visitons des entreprises. Nous travaillons sur l’usine 4.0 et la réalité virtuelle et accompagnons les adhérents avec CIMES sur les appels à projets. Mais cela fait aussi découvrir aux participants qu’ils ont des pépites innovantes chez eux !
- Performance interne et innovation organisationnelle. Mont Blanc a mis au point un audit 360°, d’analyse stratégique, qui est en test chez deux de nos membres. Une réflexion est aussi en cours sur un GIE achat. Nous démarrons également des démarches pour avancer sur le RSE.
- Développement d’activité et international. Nous avons organisé plusieurs business meetings. C’est du speed dating, qui permet d’avoir 8 à 12 rendez-vous en peu de temps sur la même journée et ce avec des fournisseurs ou prospect (donneur d’ordre).
- Fédérer les entreprises industrielles du territoire. C’est de l’animation réseau. Le principal évènement est le petits déjeuners mensuels (1er jeudi de chaque mois). On facilite les échanges entre adhérents, on donne de l’information…On a aussi des déjeuners informels chaque mois sur une thématique que propose un membre. Par exemple, j’ai demandé, pour un prochain déjeuner, à mes collègues, comment ils triaient leurs déchets. Nous organisons, également, des afterworks quand la situation sanitaire le permet.
- Production France ! C’est une marque. Depuis juillet 2020, nous avons un site Internet. Nous nous adressons aux gros industriels qui veulent relocaliser en France. Nous pouvons les aider reconstituer leur chaine de sous-traitance mécanique, on a tout ce qu’il faut ; à déménager leurs lignes de production ; à moderniser et robotiser leurs moyens de production… On a déjà réussi à se positionner sur des appels d’offres. Ils sont en cours actuellement. Nous avons construit l’outil et la méthode. Nous intervenons en groupe projet avec un leader, qui prend la commande. On a créé le buzz. Maintenant, il faut transformer l’essai, il nous faut plusieurs succès story sur 2021 !
Quels sont, pour vous, les intérêts d’un cluster ?
C’est d’abord de rompre la solitude du dirigeant. Quand on est seul, il y a plein de choses que l’on ne voit pas. Le réseau vous aide à faire un dossier de subventions pour une machine-outil, ou à trouver les partenaires adéquats pour monter une entité au Maroc, de créer des alliances pour répondre à un marché inatteignable seul…
Celui d’à côté a les mêmes problèmes que vous, qu’ils soient financiers, sociaux, techniques, commerciaux… J’aurais aimé que ce cluster existe quand j’avais 22 ans et que j’ai dû négocier les 35h avec la CFDT ! Le réseau permet d’échanger les bonnes pratiques et de s’entraider. D’autres réseaux existent, comme le CJD, qui prône la formation de ses membres : car dans une PME, on forme tout le monde sauf le dirigeant !
Un dirigeant de PME de vingt personnes n’a pas le temps de suivre les appels à projet de la région, de l’Etat ou de l’Europe, il ne sait pas comment obtenir des subventions. C’est le réseau qui cherche l’information. D’ailleurs, les financements et les appels à projet passent par les Pôles de compétitivité. Il y a deux ans, j’ai répondu à un appel à projets sur la digitalisation, qui m’a permis de récupérer une partie de mon investissement et de déployer l’action par la suite sur les 3 autres agences de mon groupe.
Le cluster me donne accès aux décisionnaires, à la tête des entreprises. En outre, je rencontre mes concurrents, et j’apprends à les connaître. Ce qui est très utile. Par exemple, il y a 7 ou 8 ans, je me suis trouvé en concurrence avec une autre société du cluster dans un appel d’offres d’une société appartenant à un groupe hollandais. Si on s’était affrontés, on aurait perdu, et c’est un Hollandais avec un sous-traitant polonais qui aurait gagné et qui aurait fait le business à 15km de chez nous. On a fait un partenariat, et depuis on fait ensemble des projets pour ce client. Mon concurrent est devenu un client et un fournisseur. C’est une alliance. Du coup, je continue à forcer le contact avec mes concurrents ! Récemment, j’ai transmis une consultation à un concurrent qui ne fait que de la charpente : j’ai jugé qu’il était meilleur que moi pour cette consultation. Si on est retenu, il fera la fabrication et moi les études et l’installation.
On fait beaucoup de business ensemble. Il y a beaucoup de prescription. La semaine dernière dans un petit déjeuner virtuel, on a tous représenté nos activités. Du coup, un de nos fournisseurs présents nous a dit qu’un de ses clients allait déménager…
Il y a aussi de la communication commune, une newsletter, des articles dans la presse. Un article suscite toujours des appels. Par exemple celui d’un constructeur de bâtiments industriels. Il se révèle que nous avons, tous les deux, un intérêt à collaborer.
Chez MECALOIRE, on se définit comme un incubateur. On met les gens ensemble. Quand ça marche ils prennent des business ensemble. On fait de la chasse en meute ! On a monté une branche nucléaire. Mécaloire a participé au premier salon du nucléaire. Il n’y a pas eu de suite, mais nous avons rencontré des gens. Nous avons aussi, par le passé, crée une société pour répondre à appel d’offres pour du mobilier urbain d’un million d’euros de la ville de Saint-Etienne. Par le passé, aussi, un gros travail de groupe a débouché sur le produit propre, le PLUG©. Une solution qui vous permet de rendre modulable et évolutive l’organisation des lieux de vie selon les saisons, les événements, les usages spécifiques… Le produit est exploité et industrialisé maintenant par un membre du cluster.
Mais le réseau doit être local. Avec la proximité, il y a moins de freins à la collaboration. Je ne peux pas travailler avec quelqu’un que je n’ai jamais vu en physique. La collaboration passe par une notion de feeling.
Finalement, c’est une ouverture d’esprit. Dans le cadre d’Entreprise du futur, un autre cluster, j’ai passé une heure avec des directeurs généraux de grandes entreprises. J’avais un peu peur d’y aller, au début, mais j’ai appris des choses et j’ai dû aussi leur en apprendre !
Si vous avez l’occasion de créer un cluster local, comme Grenoble ou Clermont, il ne faut pas hésiter, c’est vraiment à faire ! Ça aidera l’entrepreneur et son entreprise à se développer !
Un avis sur « Mécaloire ou la chasse en meute »