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Avant la suspension des aides de l’Etat, pensez « pré prévention »

Drôle de guerre ? L’économie est sous perfusion de l’Etat, comment se préparer à l’arrêt des aides ? Et si vous pensiez à la « pré prévention » ?

Maître Patrick Roulette est Avocat au Barreau de Seine Saint Denis et secrétaire du Centre d’Information et de Prévention (CIP) de Seine Saint Denis. C’est un spécialiste du sujet. 

Quelle est votre histoire ? 

J’ai prêté serment en 1984. En 1990, j’ai crée une SCP. En fait, je suis atypique. J’ai toujours eu une très forte implication personnelle en Seine Saint Denis, mais initialement pas aux côtés des entreprises. La conscience de l’entreprise m’est venue par hasard. J’ai rencontré un chef d’entreprise qui payait ses employés avant de se payer. Il se défonçait pour sauver son entreprise. Cela a changé ma vision de l’entrepreneur, et m’a amené à réfléchir à son statut. 

J’ai la passion de l’entreprise. Je conseille de très grosses entreprises qui vont bien. Mais 60% de mon chiffre d’affaires vient de sociétés en difficultés. 

Surtout, j’ai une importante activité bénévole. Je suis président de la Commission Entreprises du Barreau, qui est en même temps une interface entre les Avocats et le monde de l’entreprise et le vecteur de la transmission d’expérience aux jeunes avocats. J’anime également le CIP du 93, une association qui aide gratuitement les entrepreneurs en difficulté. Un avocat, un expert-comptable et un ancien juge du tribunal de commerce reçoivent les entrepreneurs pour les conseiller. C’est totalement confidentiel. Son action peut être décisive. Je me souviens d’un entrepreneur de la restauration à emporter, qui avait décoché le Graal de son métier : une boutique au sein de la Gare du Nord. Seulement, juste à ce moment, se déclenche une grève. Il ne savait plus que faire. Eh bien, nous avons trouvé une solution. Il nous a dit que nous l’avions sauvé. 

Aux côtés de nombreux professionnels et sur l’initiative du président du tribunal de Commerce de Bobigny, je suis également membre fondateur et secrétaire d’APESA Seine Saint Denis. Cette structure – qui repose une nouvelle fois sur le bénévolat – a été créée par le Greffier en chef du tribunal de Commerce de Saintes et a pour but de lutter contre le risque suicidaire des chefs d’entreprise. Pour cela nous formons des « sentinelles » qui peuvent avec l’accord de la personne, la faire bénéficier de consultations auprès d’un psychologue formé à cet effet. Si un risque suicidaire est détecté et le signalement effectué, un psychologue appelle l’entrepreneur dans les 45 minutes. 

Pour ce qui concerne la Commission Entreprises du Barreau, nous avons mis en place un dispositif original et facile d’accès. Au travers d’une simple inscription via l’adresse mail avocats-sosentreprises@gmail.com, nous offrons aux entrepreneurs qui le désirent un entretien téléphonique gratuit avec un avocat spécialisé qui l’appelle directement. Qui aurait attendu la Seine Saint Denis dans ce domaine ?

La vision collective, et souvent vision élitiste, de la société ne correspond pas à la réalité. 80% des entreprises de Seine Saint Denis n’ont pas de salariés. Il n’y a aucun filet. Il n’y a pas de Pole Emploi. Si l’entreprise coule, l’entrepreneur disparaît sans laisser de traces. Alors que le délinquant a le droit à un avocat gratuit, l’entrepreneur est livré à lui-même. 

Comment aide-t-on un entrepreneur ? 

Première question : l’état du dirigeant. A-t-il encore assez de motivation pour affronter les procédures juridiques ? 

Ensuite : son entreprise a-t-elle des difficultés structurelles ou conjoncturelles ? Il faut entrer dans la réalité de l’affaire : secteur, clientèle, management, employés… 

Finalement, la trésorerie. A quel moment va-t-elle faire défaut ? Les experts comptables regardent souvent vers le passé. Les entrepreneurs réfléchissent en termes de chiffre d’affaires et pas de marge. Il faut un prévisionnel de trésorerie. Et c’est ce que demandent le CCSF, le CODEFI ou le mandat ad hoc. 

Mais bien souvent  – et il faut l’intégrer comme étant un outil à la disposition des entreprises en difficultés – la seule façon de s’en sortir c’est de se placer sous la protection du tribunal en sollicitant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

Dans une telle perspective, il devient fondamental de raisonner en terme de stratégie et de maîtrise du temps. Par exemple il pourra être nécessaire de créer plus de dettes pour avoir plus de trésorerie. Ce qui peut apparaître comme paradoxal.

Comment voyez-vous la situation de l’entreprise aujourd’hui ? 

La fin de la crise sanitaire risque de marquer le début d’une crise économique sans précédent. Les aides nombreuses de l’État ou des collectivités locales ne pourront être maintenues et les entreprises risquent de se retrouver confrontées à une absence de reprise de la consommation.

Une fois les PGE consommés, ces entreprises vont se retrouver en rupture de trésorerie, à la merci de l’assignation d’un débiteur et avec un risque majeur de liquidation judiciaire immédiate.

Quel conseil donnez-vous à l’entrepreneur ? 

Le dirigeant a souvent peur de la réalité. Il recule. Jusqu’à ce qu’il n’ait plus de possibilité de s’en sortir. Il se trouve en face d’une structure qu’il ne connaît pas, le Tribunal de commerce. Il n’est pas préparé. Dans ces conditions, on attire la foudre ! C’est ce qui explique la mauvaise réputation du Tribunal de commerce. 

Venez chercher du conseil ! Il faut parler de ses difficultés. Il y a des lieux d’écoute dédiés. Quand le dirigeant arrive à s’expliquer vraiment, en toute confiance, on peut faire une analyse efficace. 

Il faut dédramatiser. Par exemple, quand on lui demande de signer une déclaration de cessation de paiement, le dirigeant croit que c’est son arrêt de mort. Je fais de la pédagogie, je lui fais rencontrer un administrateur, je lui explique en quoi la procédure va l’aider. 

Le droit anglo-saxon protège le créancier. Le droit français protège l’entreprise ! Tout se prépare, se prévoit. Il faut se donner les moyens de choisir le bon outil. Le dirigeant doit comprendre qu’il y a des outils extraordinaires. Il y a la médiation du crédit. La banque de France s’intéresse maintenant à la PME ! Il y a le mandat ad hoc, qui est devenu beaucoup moins coûteux, et qui permet souvent de trouver un accord, si l’on a un ou deux créanciers et la conciliation, si l’entreprise n’est pas en état de cessation de paiement. 

Il faut surtout  réhabiliter le redressement judiciaire, qui permet de se mettre sous protection et au travers de l’élaboration d’un plan de redressement, de rembourser sans frais sur dix ans, et sans pénalités, avec pour seuls surcoûts l’administrateur et le mandataire judiciaires. Même la liquidation doit être comprise comme utile, lorsqu’il n’y a pas de perspectives de redressement, afin de permettre au dirigeant de passer à autre chose, en mettant à profit l’expérience qu’il a acquise. 

Finalement, il faut trouver un avocat qui vous corresponde. L’entrepreneur a besoin d’un tiers de confiance. 

Que faudrait-il pour faire entendre ce message aux centaines de milliers d’entreprises, qui risquent de connaître des difficultés ? 

Il faudrait une communication institutionnelle. Je lance l’idée d’un Délégué à la Difficulté des Entreprises ! Il y a bien un Délégué à la Prévention Routière, les accidents d’entreprises ne sont-ils pas tout aussi graves pour le pays ? 

En attendant, nous, les avocats de Seine Saint Denis, communiquons partout où nous pouvons. Nous cherchons sans cesse de nouveaux vecteurs. Dernièrement France3 a tourné une mini série de plusieurs épisodes sur le thème de la prévention, la bienveillance de la juridiction commerciale et l’utilité des procédures juridiques. Plusieurs dossiers en cours ont été évoqués, il s’agit d’un taxi, d’un pharmacien et d’un producteur de disques. Les interviewés ont fait des déclarations étonnantes. Par exemple, la conductrice de taxi a dit que le Tribunal de commerce lui avait rendu sa dignité et la pharmacienne qu’elle retournait au travail, en n’ayant plus la peur au ventre !

Malgré toutes les difficultés rencontrées, il y a toujours une vie, y compris après un redressement judiciaire et surtout il nous faut redonner de l’espoir, à condition d’anticiper, d’oser croire dans ses chances de rebondir et de se donner ainsi les moyens de sortir renforcé d’une crise sans précédent.

Avocats et donc entrepreneurs, mais également bénévoles et à l’écoute des chefs d’entreprises et à leurs côtés dans les bons comme dans les mauvais moments,  nous avons peu de moyens, mais nous sommes portés par l’enthousiasme !

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Publié par Christophe Faurie

Président association des INTERPRENEURS. Nos entreprises ont une créativité hors du commun : c'est la solution aux problèmes du pays.

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