Activité réduite, accumulation de dettes, les spécialistes prévoient un effet domino de faillites. Quelle est l’analyse de la CPME de Seine Saint-Denis ? Un entretien avec Valérie Perrin-Terrin, sa secrétaire générale.
Partagez-vous le point de vue de notre association : la PME a un potentiel ignoré, si l’on arrivait à le capter, cela changerait bien des choses ?
La PME, c’est l’avenir ! La grande entreprise est une grosse machine. La PME peut s’adapter du jour au lendemain. Elle change extrêmement vite.
La PME est la solution au problème de l’emploi. La PME est le plus gros employeur de France. L’humain est la valeur ajoutée de la PME. C’est la grande différence avec la grande entreprise, pour qui les personnes sont interchangeables.
Mais, l’état d’esprit des salariés a changé. A l’époque de nos parents, les gens faisaient carrière dans la même entreprise et y étaient fidèles. Les jeunes générations cherchent autre chose. Elles sont à la recherche d’un salaire pour certains mais surtout du sens dans leur vie active. Elles ont la culture du zapping, mais elles ont surtout la main sur le marché du travail.
Aujourd’hui, les entreprises doivent se réinventer pour attirer la génération Z, sinon c’est le turnover improductif. Il est essentiel que l’entrepreneur s’adapte à ce nouvel état d’esprit. Mais c’est plus facile pour les jeunes dirigeants que pour ceux qui ont entre 55 et 70 ans.
Au moins, le covid a eu le bon côté de faire comprendre qu’il n’était pas productif de passer trois heures dans les bouchons !
Quant au potentiel non exploité, cela tient à ce que le dirigeant a « la tête dans le guidon ». Contrairement à ce que l’on dit, les procédures administratives n’ont pas été allégées. Au contraire. Le code du travail n’arrête pas de grossir. Il tombe de nouvelles obligations tous les jours. C’est très compliqué. L’administratif est incompatible avec le chiffre d’affaires et nombreux sont les dirigeants qui n’ont pas les moyens d’être assistés.
Nous faisons beaucoup de réunions de formation à ces obligations. Des réunions courtes et terre à terre, adaptées aux horaires des dirigeants. Nous cherchons à leur faire gagner du temps. La CPME est là pour les aider.
Quel a été l’impact de l’épidémie sur le tissu économique de votre département ?
Nous voyons arriver les tous premiers dépôts de bilan. Il n’y a pas de visibilité pour les entreprises. Elles ont fait le dos rond pendant la première période de confinement. Jusque-là elles ne s’en étaient pas trop mal tirées. Mais, avec les nouvelles mesures de fermetures, cette fois-ci, on peut craindre le pire, malgré la mise en place des aides de l’Etat.
Les entreprises sont très inquiètes, elles sont très fragilisées. Nous avons des dizaines d’appels par jour. Les dirigeants sont angoissés, beaucoup se demandent s’ils doivent fermer définitivement pour ne pas creuser une dette dont on ne sait pas quand il sera possible de la rembourser. Une entreprise de rénovation a eu 80 annulations de chantiers : ses clients, des particuliers, ont peur d’être contaminés par ses ouvriers. La restauration est très touchée, alors que c’est là où l’on applique le mieux les mesures barrières, et que ce n’est pas là où l’on attrape le virus. De même pour les salles de sport qui avaient pourtant mis en place des protocoles stricts. Les médias entretiennent la psychose. Si bien que les salariés exercent leur droit de retrait, même lorsqu’ils ne risquent rien.
Et l’avenir ?
Il faut payer les charges de structure, et il n’y a pas de perspective de reprise. Beaucoup d’entreprises vont rester sur le carreau.
Notre Président national rencontre le gouvernement chaque semaine.
Nous-nous battons pour obtenir des différés de remboursement des emprunts et sommes force de propositions.
Nous craignons que, lorsque les entreprises vont présenter leur bilan 2020, les banques coupent les concours, et qu’elles n’aient plus d’assurance-crédit. A la fin du premier semestre, ce sera l’hécatombe.
Comment l’entreprise peut-elle se tirer d’affaire ?
La solution est l’innovation et la reconversion. On dit aux chefs d’entreprise de chercher de nouvelles idées. Mais le Français n’est pas novateur dans l’âme. Il sait tout. Il faut une crise pour qu’il se remette en question. Pour l’instant, il nous dit : « je suis sonné, qu’est-ce que je fais ? »
Il faut, d’abord, lui redonner confiance en lui. Il faut 4 ou 5 appels en visio pour commencer le travail de changement.
Comment voyez-vous votre mission ?
Le problème de l’anticipation mine le chef d’entreprise. Je suis devenue assistante sociale et psychologue ! Je passe du temps avec chaque personne. Je dis aux entrepreneurs de prendre leur mal en patience, de se tenir informés sans trop écouter les informations télévisées, de se concentrer sur ce qui est positif, de vivre au jour le jour, je cherche avec eux de nouvelles pistes, je les informe sur les mesures d’aide et les accompagne dans leur mise en place. Mais tout cela reste compliqué pour beaucoup.
Je suis aussi juge au tribunal de commerce, ce qui me permet de connaître et d’anticiper les difficultés auxquelles les entreprises sont ou vont être confrontées.
Depuis la crise du covid, on n’a jamais eu autant d’adhésions. Les chefs d’entreprise nous disent : « on ne savait pas que la CPME c’était ça ! ». Alors que l’on n’avait pratiquement que des adhérents TPE, on a vu arriver des grosses PME. Le patron de PME est seul, il a besoin d’échanger. Il continue à nous appeler même une fois qu’on l’a aidé à résoudre ses problèmes.
Pendant le confinement on a appelé tous les adhérents. Une dizaine d’adhérents ont réalisé une vidéo pour nous dire merci !
Un de nos adhérents a découvert qu’un hôpital n’avait plus de shampoing et de savon pour les patients que le SAMU amenait en grand nombre. Nous avons créé une chaîne de solidarité avec les patrons d’entreprise. Du coup, nous avons pu aider plusieurs hôpitaux ! Ça a été une formidable aventure humaine.
Ce type d’action, qui ne concerne pas directement l’entreprise, est ce dont l’entrepreneur a le plus besoin. Un exemple. Je suis aussi présidente d’Entrepreneuriat au Féminin pour le 93 et l’Ile de France. On organise des événements ludiques où l’échange est le maître mot. Par exemple nous avons mis en place une séance de maquillage et coiffage pour réaliser des photos professionnelles pour ces dirigeantes. Ce qui est important pour certaines femmes, débordées, qui n’ont pas le temps de prendre soin d’elles. Il y avait une quarantaine de participantes. Elles sont devenues de grandes copines. Du coup, elles ont eu envie de s’entraider. Celle qui vendait des repas à ses voisins a pu demander conseil à celle qui dirige une entreprise de cent personnes. Cela donne confiance aux débutantes ou à celles qui ont des TPE. Côtoyer la réussite d’autres femmes est galvanisant et force d’exemple à suivre !
Vous me faites penser au film « Potiche ». Cette période de crise aurait-elle besoin de « maternalisme » ?
Cela peut être fatigant. Il y a des moments où je dois prendre une journée pour respirer. Je refuse les gens négatifs. Les gens qui se complaisent dans les problèmes. Je leur dis : « pas la peine de m’appeler ». J’essaie d’insuffler une énergie positive !
Un avis sur « J’essaie d’insuffler une énergie positive ! »